De mémoire, il n'est jamais arrivé qu'un nouveau gouvernement du Québec connaisse un départ aussi laborieux. Le gouvernement dirigé par Pauline Marois n'a même pas eu droit à un semblant de lune de miel.

Comment se fait-il qu'une politicienne expérimentée comme Mme Marois ait pu laisser s'installer, un mois après la formation de son gouvernement, un climat d'improvisation et de désordre qui donne la fâcheuse impression que personne n'a les mains sur le volant?

Cela s'explique, au départ, par le fait qu'elle dirige un gouvernement minoritaire, porté au pouvoir par à peine 32% des électeurs. Il n'est donc pas très étonnant qu'elle n'obtienne qu'un taux de satisfaction de 36%, comme le montrait hier un sondage Léger Marketing dans le Journal de Montréal.

Mais la première erreur de Mme Marois, c'est de ne pas avoir tenu compte de son statut minoritaire à l'Assemblée nationale et de la nature limitée de son mandat. Elle a foncé avec ses engagements électoraux - regel des droits de scolarité, abolition de la taxe santé, fermeture de Gentilly-2, gouvernance souverainiste. En allant trop vite et trop loin, elle a donné le ton à son gouvernement et favorisé un climat d'affrontement.

À cela s'est ajouté un problème de leadership. Pour survivre et diriger, un gouvernement minoritaire, on l'a vu avec Stephen Harper, doit s'imposer une grande discipline. Ce n'est pas ce qu'on voit à Québec. Si le gouvernement péquiste a tant de problèmes, ce n'est pas parce qu'il est malmené par l'opposition, plutôt silencieuse. C'est parce qu'il n'arrête pas de se tirer dans le pied.

La première ministre ne contrôle pas ses ministres, comme on l'a vu avec plusieurs sorties individuelles qui ne décrivent pas la position du gouvernement et qui exigent des reculs ou des mises au point: Martine Ouellet sur le gaz de schiste, Marie Malavoy sur les écoles privées, Nicole Léger sur la loi 101 dans les garderies ou Stéphane Bergeron sur l'UPAC. C'est vraiment le bordel.

Mme Marois ne contrôle pas non plus la qualité des dossiers. Si le gouvernement a eu tant de mal dans le débat public, c'est aussi parce que certaines mesures étaient mal ficelées, comme la façon dont on a annoncé la fermeture de Gentilly-2, pourtant une bonne décision, tandis que d'autres étaient carrément bâclées, comme l'abolition de la taxe santé.

Ce problème de leadership tient aussi au fait que Mme Marois et son parti semblent avoir du mal à passer d'un rôle d'opposants à un rôle de dirigeants. Le gouvernement péquiste se comporte souvent comme s'il était encore dans l'opposition, plus à l'aise avec les déclarations fracassantes qu'avec les efforts pour rassembler et mener à bien ses projets.

Les calculs politiques n'ont fait qu'empirer les choses. Un gouvernement minoritaire doit rapidement penser à la prochaine élection et profiter de ses mois au pouvoir pour devenir majoritaire. Les stratèges péquistes ont fait le choix de viser à gauche pour aller chercher les voix qui leur manquent, en insistant sur les thèmes symboliques du débat gauche-droite - taxer les riches, écoles privées. Il est clair que cette stratégie a contribué à polariser et à détériorer le climat social.

Ajoutons enfin que le fait d'être minoritaire est plus lourd à porter pour Mme Marois, parce que cela l'éloigne de l'objectif premier de son parti, la souveraineté. Et c'est ainsi que même après une victoire électorale, les péquistes sont animés d'un certain sentiment de défaite qui engendre l'amertume et nourrit chez eux une atmosphère de camp retranché.

Le résultat n'est pas heureux. Tout cela nous dit une chose, et c'est qu'à moins d'un solide coup de barre, ce gouvernement minoritaire n'aura pas une longue durée de vie.