Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, ne démissionnera pas, même si les deux partis d'opposition à l'hôtel de ville réclament son départ à grands cris. Si rien, dans l'odeur putride de corruption de sa ville, ne l'a pas convaincu de tirer sa révérence, ce ne sont pas quelques révélations à la commission Charbonneau qui le feront changer d'idée.

Mais il y a une chose que, par décence, le maire pourrait faire. Et c'est d'annoncer, rapidement et solennellement, qu'il ne se représentera pas aux élections municipales de l'automne prochain. Pour laisser à quelqu'un d'autre la chance de faire le travail que lui n'a pas fait.

Il est vrai que s'il annonce son départ plus d'un an avant les élections de novembre 2013, il sera, comme on le dit l'expression anglaise intraduisible, un «lame duck», un politicien impuissant qui a déjà un pied dans la porte. Mais entre nous, est-ce que ça changerait vraiment quelque chose? M. Tremblay est déjà une espèce de mort-vivant, un politicien en sursis, isolé et de plus en plus discrédité.

L'alternative proposée par les deux partis d'opposition ne nous avancerait guère. Si M. Tremblay démissionnait, on aurait des élections précipitées à la mairie, un maire temporaire, de surcroit minoritaire, ce qui ne ferait qu'augmenter l'instabilité.

Dans tous les cas de figure, les Montréalais doivent se résoudre à accepter qu'il n'y aura pas de leadership à l'hôtel de ville pendant un an. Ils doivent plutôt concentrer leurs énergies à trouver la relève qui pourrait remettre la ville sur pied, la nettoyer, lui redonner son élan.

Il n'aurait pas été souhaitable, dans une société de droit, que M. Tremblay ait été forcé de démissionner sur la foi de révélations dans une commission d'enquête. Les confidences de Lino Zambito n'ont pas été corroborées et la feuille de route de ce témoin devrait nous inciter à la prudence.

Ce système, dont on découvre l'ampleur, a certainement commencé bien avant Gérald Tremblay. On ne peut pas l'accuser d'en être - excusez l'expression - le parrain. Mais contrairement à ses prédécesseurs, qui pouvaient plaider ou feindre l'ignorance, Gérald Tremblay ne pouvait plus ne pas savoir.

Les dernières révélations s'ajoutent à une pluie d'informations qui s'accumulent depuis quelques années sur la collusion, sur la place de la mafia dans la construction, sur la corruption au sein de l'administration municipale. Une gangrène qui s'est dangereusement rapprochée du maire lui-même, puisque son numéro deux, Frank Zampino, a été accusé de fraude, tout comme le responsable du financement de son parti.

M. Tremblay a accueilli une à une ces révélations avec une stupéfaction à retardement et des colères après le fait. Mais il a été incapable de reprendre les choses en main. Au mieux, M. Tremblay est un grand naïf. Mais à ce niveau, la naïveté devient une forme avancée d'incompétence. «J'ai la conscience en paix», nous dit maintenant le maire. À sa place, j'aurais honte.

Il y a un coût énorme à payer pour ce fiasco, et pas seulement parce que les contribuables se sont fait flouer année après année. Ils devront aussi vivre avec les effets négatifs sur l'image de Montréal. Avec une fierté collective à rebâtir. Avec les effets de ce laxisme sur la capacité de la métropole d'acquérir l'autonomie dont elle a besoin.

En attendant le rapport de la commission Charbonneau et le souhaitable changement de la garde à l'hôtel de ville, que peut-on faire? On peut compter sur le gouvernement du Québec et son ministre responsable de la métropole, Jean-François Lisée, qui est intervenu de façon prometteuse dans ce dossier. Et peut-être, qui sait, peut-on espérer un sursaut du maire Tremblay, s'il veut restaurer sa réputation avant son départ.