Imaginez les slogans que les libéraux et les caquistes pourraient concocter s'ils choisissaient de former une coalition. «Quatre mains sur le volant!», ou encore «Deux mains, c'est bien. Mais quatre mains, c'est mieux!».

J'ai choisi de traiter un peu à la blague cette idée, à laquelle bien des gens ont pensé. Parce qu'elle n'est pas dans les cartes, qu'elle relève plus de la politique-fiction, de la conversation de taverne ou de sa version moderne qu'est Twitter.

Si j'aborde la question d'une coalition PLQ-CAQ, ce n'est pas pour plaider en sa faveur, mais plutôt pour souligner que le simple fait qu'elle soit impensable montre que nos institutions politiques, nos traditions, nos réflexes et notre culture ont du mal à évoluer et à s'ajuster à la réalité politique.

Cette nouvelle réalité politique, c'est une fragmentation du vote qui nous donne soit des gouvernements majoritaires jouissant d'un appui populaire relativement bas, soit la formation de plus en plus fréquente de gouvernements minoritaires. Depuis dix ans, deux élections sur quatre ont produit des gouvernements minoritaires au Québec. Trois sur quatre au fédéral.

Le résultat, à mon avis, n'est pas heureux. Les gouvernements minoritaires ne sont pas des modèles de recherche de consensus. Ils exacerbent les réflexes partisans, le marchandage du gouvernement pour survivre, et les calculs électoraux des partis d'opposition sur le moment le plus propice pour renverser leur adversaire. Des gouvernements éphémères, instables, menottés, qui ne peuvent pas entreprendre des réformes ou prendre des décisions impopulaires. Ce serait pire si on introduisait des éléments de proportionnalité qui mèneraient à des parlements encore plus fragmentés.

Au plan démocratique, le résultat n'est pas plus heureux, parce qu'un gouvernement minoritaire, par définition, dirige avec un appui populaire limité. C'est le cas de Mme Pauline Marois, qui gouvernera avec à peine 32% du vote. La chose est encore plus inconfortable parce qu'en face, on retrouve deux partis d'opposition assez proches l'un de l'autre, le PLQ et la CAQ, qui ont recueilli 58% des voix, et qui, à eux deux, reflètent bien davantage la volonté populaire que le gouvernement élu.

La CAQ et le PLQ sont d'accord sur les principaux enjeux: au plan constitutionnel, une opposition à la tenue d'un référendum - et même, on l'a vu hier, en accord sur la présence du drapeau canadien au Salon rouge -, une vision sociale que l'on peut qualifier de centre droit, une priorité au développement économique. En fait, on pourrait décrire les caquistes comme des libéraux pressés.

Ce qui sépare les deux partis, ce ne sont pas leurs désaccords programmatiques, pas plus grands que ceux qu'on peut trouver au sein d'un même parti. Les obstacles sont davantage culturels: l'animosité entre adversaires, la difficulté pour d'anciens péquistes de pactiser avec des libéraux et vice-versa.

Mais surtout, ça ne se fait pas. D'une part parce que nos traditions disent que le parti qui remporte le plus de voix doit former le gouvernement. Cela n'exclut pas la possibilité que les deux partis d'opposition renversent rapidement le gouvernement minoritaire pour le remplacer. Mais encore là, ce n'est pas dans nos habitudes.

Déjà, le simple fait, pour un parti d'opposition, d'appuyer le gouvernement minoritaire pour éviter un retour trop rapide aux urnes, est perçu comme un signe de faiblesse. Une coalition, on l'a vu il y a quatre ans à Ottawa, est perçue comme une sorte de transgression. Ce serait une aventure qui risquerait de compromettre les projets de ces deux partis qui voient tous deux leur stage forcé dans l'opposition comme un tremplin vers la prise du pouvoir.

Et pourtant, tôt ou tard, il faudra s'habituer à des formules comme celles-là. Si on veut des gouvernements stables et représentatifs.