Un des premiers dossiers dont Pauline Marois a promis de s'attaquer une fois qu'elle sera en poste, c'est le rapatriement au Québec d'un certain nombre de compétences exercées par Ottawa. L'un de ces pouvoirs est l'assurance-emploi.

«Un gouvernement du Parti québécois entreprendra le plus rapidement possible des négociations avec le gouvernement fédéral pour rapatrier ce régime qu'il bonifiera par la suite.» Cet engagement n'a pas vraiment été scruté dans le feu roulant de la campagne électorale.

Et pourtant, cette promesse, peut-être attrayante au premier abord, le devient beaucoup moins quand on la regarde de plus près. Le Québec perdrait des centaines de millions de dollars s'il rapatriait le régime, et paierait encore plus cher s'il choisissait de le bonifier.

Ce projet, dont Mme Marois parle depuis un an, a certainement pris de l'élan au printemps quand le gouvernement Harper a apporté des modifications au régime pour forcer les travailleurs saisonniers à se chercher d'autres emplois lorsqu'ils tombent en chômage. Une mesure fortement critiquée là où le chômage saisonnier est un mode de vie, comme en Gaspésie. L'Assemblée nationale a même voté une motion unanime pour demander à Ottawa de renoncer à son projet.

Conceptuellement, il y aurait une certaine logique à ce que l'assurance-emploi soit gérée par les provinces pour mieux intégrer ce programme aux autres politiques d'emploi. Le problème, c'est que ce régime n'est pas financé par le fédéral, mais par les cotisations des travailleurs et des employeurs, avec une logique de redistribution voulant que les régions à faible chômage paient pour celles où les sans-emploi sont nombreux.

Le Québec est un bénéficiaire net de ce programme. C'est ce que Hans Marotte, porte-parole du Mouvement Action-chômage avait souligné dans ces pages le mois dernier, notant que, selon les années, le Québec reçoit de 400 à 800 millions de plus que ce qu'il verse. En 2009, la dernière année pour laquelle des données sont disponibles, les Québécois ont versé des cotisations de 3,150 milliards et ont reçu 4,025 milliards en prestations. Un gain de 875 millions.

Qu'arrivera-t-il si Mme Marois en parle à Stephen Harper? Même s'il était ouvert à l'idée, il ne pourrait pas transférer au Québec des fonds qui proviennent des travailleurs et les employeurs des autres provinces. Au mieux, le Québec ne récupérerait que ses propres cotisations. En 2009, il aurait perdu 875 millions pour cette victoire constitutionnelle.

À cela s'ajoute l'intention de Mme Marois de transformer en profondeur le régime afin de le rendre plus généreux. Une réforme sociale d'envergure dont les coûts seraient considérables.

Mme Marois, gouvernance souverainiste oblige, veut en discuter «rapidement» avec Ottawa, parce qu'elle a besoin de dossiers pour affronter le fédéral. Mais elle met la charrue avant les boeufs. Avant de parler de rapatriement, le gouvernement péquiste devrait d'abord mesurer les implications financières d'un éventuel transfert, ensuite définir sa réforme de l'assurance-emploi. Sinon, ce ne sera rien d'autre qu'une guéguerre qui tourne à vide.

Dans un autre ordre d'idées, j'ai fait une impardonnable erreur d'arithmétique dans ma chronique de mercredi sur la hausse des taux d'imposition promise par le PQ. J'ai parlé de hausses de «28 à 32 % pour les revenus supérieurs à 130 000 $, et à 35 % au-dessus de 250 000 $». C'est plutôt de 24 % à 28 %, et ensuite à 31 %. Mes excuses. Ça ne change rien à l'ampleur des hausses, de l'ordre de 4 à 7 %. Et ça ne change rien au régime qui, avec les nouvelles règles du jeu pour les dividendes et les gains de capital, isolera le Québec et aura des effets potentiellement désastreux.