Il semble qu'une partie du mouvement étudiant s'apprête à relancer le mouvement de grève, en espérant sans doute reprendre les choses là où elles avaient été laissées en juin. Mais ça ne se passera probablement pas comme ça.

Le flop de la manifestation organisée hier par la CLASSE, baptisée pompeusement « action de perturbation nationale », qui n'a attiré que quelques centaines de militants, ou encore un vote de retour en classe pris au cégep de Saint-Jérôme, semblent indiquer que le vent est peut-être en train de tourner.

Parce que temps a fait son oeuvre et que le coût personnel du prolongement de la grève est considérable pour les étudiants qui risquent de perdre une année scolaire. Mais surtout parce que les règles du jeu ont changé depuis l'annonce des élections. Et cela ne joue pas en faveur des associations étudiantes.

Pendant des mois, le débat sur la hausse des droits de scolarité a pris la forme d'un affrontement entre le gouvernement Charest et les associations étudiantes, qui avaient le gros bout du bâton.

Avec le déclenchement de la campagne, les étudiants ont perdu le contrôle de ce débat. La conversation s'est élargie, elle implique maintenant les citoyens, les contribuables, et les étudiants ne deviennent qu'une voix parmi d'autres.

Il est vrai que ces élections ne se résument pas à un référendum sur les droits de scolarité. Mais ce thème est très présent, tout comme plusieurs enjeux qui y sont associés - loi et ordre, finances publiques, justice sociale ou place de l'éducation.

Il est assez évident que le résultat du scrutin aura une incidence déterminante sur la suite des choses. Si Pauline Marois l'emporte, comme elle promet d'annuler les hausses, les étudiants pourront déclarer victoire. Par contre, si Jean Charest ou François Legault l'emportent, l'appui électoral combiné de ces deux partis, favorables aux hausses, donnera à celles-ci une solide légitimité démocratique. Dans ce scrutin aux résultats imprévisibles, il y a donc un risque réel que les étudiants sortent perdants de la campagne électorale.

D'où la tentation de la fuite en avant. Mais avec quel résultat? Les choses ont changé. Le mouvement étudiant ne pourra pas retrouver son unité, avec la CLASSE qui cache de moins en moins ses tendances radicales. Et surtout, les étudiants ne pourront certainement plus compter sur les mêmes appuis qu'au printemps.

Le dénominateur commun de tous ceux qui jouaient de la casserole était le renversement du gouvernement Charest. Durant la campagne électorale, la plupart de ces alliés d'un jour, que ce soient les centrales syndicales ou les environnementalistes, s'exprimeront d'une autre façon. Fini le temps où les députés péquistes portaient le carré rouge.

Le capital de sympathie a en outre fondu, assez pour qu'on manifeste moins d'indulgence à l'égard de certains errements, comme les ratés de la « démocratie » étudiante. Un vote de grève au Département de service social de l'Université de Montréal avec un taux de participation de 9%, ou encore 7,5% aux sciences humaines de l'UQAM, ça tient de la farce.

Tout cela ne peut qu'aider Jean Charest. Parce que l'agitation et le désordre le favorisent. Mais aussi parce que sa principale adversaire, Pauline Marois, est vulnérable dans ce dossier, notamment parce qu'elle ne peut pas se permettre de froisser les étudiants qu'elle veut comme alliés.

Cela l'a mise dans une situation très inconfortable cette semaine quand elle a refusé de se prononcer sur les dérapages des assemblées générales. « Je n'ai absolument pas l'intention de remettre en question la démocratie étudiante », a-t-elle dit, manifestant du même coup un étonnant manque de leadership pour quelqu'un qui s'attend à être premier ministre dans 26 jours.