Le chef de l'opposition officielle, Thomas Mulcair, affirme que l'économie canadienne souffre de la maladie hollandaise. Il a choisi d'en faire un cheval de bataille et même un éventuel enjeu électoral.

Le chef de l'opposition officielle, Thomas Mulcair, affirme que l'économie canadienne souffre de la maladie hollandaise. Il a choisi d'en faire un cheval de bataille et même un éventuel enjeu électoral.

La maladie hollandaise, phénomène économique auquel j'ai consacré une chronique il y a quelques mois, fait référence à ce qui s'est produit dans les années 70 aux Pays-Bas, quand la découverte de gaz a certes créé de la prospérité, mais a aussi poussé la devise vers le haut, ce qui a provoqué l'effondrement du secteur manufacturier. Dans le cas du Canada, ce serait le boom énergétique qui, en faisant grimper le dollar, malmènerait le coeur industriel du Québec et de l'Ontario.

La croisade du chef néo-démocrate soulève deux débats. Le premier est économique: le Canada souffre-t-il, oui ou non, du mal hollandais? Le second est politique: est-ce que la bataille de M. Mulcair risque de provoquer des tensions inutiles entre l'est et l'ouest du Canada, comme l'en accusent déjà les conservateurs?

L'existence de ce phénomène au Canada, évoqué par l'OCDE et la Banque du Canada, ne fait pas consensus. Deux études récentes, dont les approches sont très différentes, permettent toutefois de donner une réponse nuancée. La première, financée en partie par Industrie Canada, signée entre autres par l'économiste Serge Coulombe, conclut qu'entre 32% et 39% des pertes d'emplois du secteur manufacturier entre 2002 et 2007 s'expliqueraient par ce phénomène.

L'Institut de recherche en politiques publiques estime quant à lui que ce phénomène aurait affecté des secteurs qui comptent pour le quart de l'activité manufacturière. «Le Canada, dit l'IRPP, souffre en fait d'une forme bénigne du syndrome, qui nécessite alors un traitement correspondant.»

Retenons de cela que le mal hollandais contribue à expliquer les problèmes du secteur manufacturier. Mais ce n'est pas le seul facteur, et pas le plus important. Les déboires de l'industrie manufacturière s'expliquent d'abord par sa faible productivité et par la fausse sécurité que procurait un taux de change bas. Ils tiennent aussi aux pressions de la concurrence mondiale auxquelles aucun pays industrialisé n'a échappé.

Et pour désamorcer une inutile surenchère Est-Ouest, rappelons que les pressions sur le dollar provoquées par les ressources s'expliquent aussi par le pétrole albertain. Et que la croissance de l'Ouest, y compris celle qui provient des sables bitumineux, a aussi des effets bénéfiques sur l'ensemble de l'économie canadienne.

Mais il n'en reste pas moins que nous avons assisté à une transformation profonde de l'économie canadienne avec le déplacement du poids économique vers l'Ouest, la force du dollar ou les conséquences environnementales de l'exploitation des sables bitumineux. Dans un pays normal, ce sont des choses dont il faudrait discuter pour trouver un équilibre dans le développement et en arriver à une sorte de consensus national.

Nous aurions tout intérêt à nous engager dans un dialogue Est-Ouest. Mais nous avons plutôt droit à des monologues, avec les sorties boudeuses de Jean Charest ou de David McGuinty contre les sables bitumineux et l'appui sans nuances au développement pétrolier du gouvernement Harper.

Un dialogue sain pourrait mener à une meilleure répartition des coûts environnementaux liés au développement pétrolier. Au plan économique, il permettrait de trouver des façons de compenser les ses effets économiques négatifs. Par exemple, propose l'IRPP, «Ottawa pourrait utiliser les recettes fiscales découlant du boom des ressources naturelles pour stimuler la compétitivité des manufacturiers canadiens et traiter ainsi les symptômes du mal».

Reste à savoir si le NPD est capable de mener ce débat avec le doigté qu'il exige, pour que cet enjeu permette le rapprochement plutôt que la polarisation. Ce sera un test des aptitudes de Thomas Mulcair pour s'imposer comme leader national.