Les deux associations étudiantes modérées ont déposé hier une contre-offre au gouvernement Charest pour résoudre le conflit des droits de scolarité. Elle est surréaliste. Ce n'est pas vraiment une contre-offre, elle ne constitue pas une piste de solution, elle ne permet pas de négociation. On s'attendait à une ouverture, même modeste. On a plutôt droit à un braquage.

L'offre de la FEUQ et de la FECQ se décline en sept points. Mais elle consiste essentiellement à proposer au gouvernement de maintenir le gel des droits de scolarité à leur niveau actuel.

Dans le processus de discussion qui s'est amorcé il y a quelques semaines, le gouvernement a mis de l'eau dans son vin pour atténuer les effets des hausses et donc pour réduire le fardeau exigé des étudiants. Et la réponse des étudiants consiste essentiellement à rester sur leurs positions initiales. Ils acceptent les concessions gouvernementales, mais refusent d'en faire de leur côté.

On n'arrive pas à voir comment cela pourrait mener à une sortie de crise. La critique de l'opposition péquiste en matière d'éducation, Marie Malavoy, est revenue, comme bien des alliés du mouvement étudiant, avec l'idée d'une médiation. Un médiateur ne propose pas de solutions, il crée un cadre propice à la discussion. Si les étudiants refusent de bouger, comme c'est le cas, aucune médiation n'est possible.

C'est un pattern étonnant, auquel nous ne sommes pas habitués. Les conflits, peu importe lesquels, peu importe la génération, peu importe l'idéologie, reposent sur le principe du donnant-donnant, où chacun accepte de mettre un peu d'eau dans son vin. Il n'y a rien de tel dans la démarche étudiante.

Difficile de ne pas y voir une autre manifestation du syndrome de l'enfant-roi. Des étudiants qui, lorsqu'ils demandent qu'on les écoute, demandent en fait qu'on leur obéisse. La détermination des associations étudiantes a également été renforcée par les nombreux appuis dont elle a profité dans le climat de lassitude envers le gouvernement Charest. Notamment le soutien sans nuances du Parti québécois qui me paraît démagogique et irresponsable.

Pour que ce gel des droits soit financièrement réaliste, les associations étudiantes proposent une démarche en deux points. Tout d'abord, un exercice de comptabilité approximatif - qui nous rappelle qu'il n'y a pas beaucoup de gens de chiffres chez les étudiants en grève - consistant à limiter la croissance de certains postes de dépenses, comme l'administration et les immeubles. Cela permettrait de dégager 189 millions, disent la FEUQ et la FECQ, sans le démontrer et sans évaluer les conséquences de ces mesures.

Ce qui est le plus troublant, c'est le moratoire de deux ans qu'ils réclament sur le plan de financement des universités. Pas d'argent frais. Une proposition effarante qui repose sur une logique perverse. En effet, si on n'augmente pas le financement des universités, pas besoin de demander davantage aux étudiants!

Ce moratoire - encore un! - donnerait le temps d'un vaste débat sur les universités avec des états généraux, une réflexion sur les pratiques administratives des universités. Il est vrai que les universités ne sont pas un modèle de gestion, que certaines pratiques, comme la prolifération des campus-champignons, sont douteuses. Mais il est simpliste de croire que les problèmes financiers des universités pourraient se régler par la chasse au gaspillage.

Mais le message qu'envoient ces étudiants, et il est abominable, c'est que, dans le fond, les universités n'ont pas besoin de plus d'argent. Un non-sens pour qui se donne la peine de sortir de sa bulle et de comparer le financement de nos institutions à celui des autres provinces.

Les associations étudiantes, prisonnières de leur logique corporatiste, sont en train de renforcer les préjugés enracinés d'une société qui ne croit pas vraiment à l'importance de ses universités. C'est désolant.