S'il y a un domaine où le fédéralisme canadien a été un échec, c'est certainement la santé.

Le gouvernement fédéral est massivement intervenu dans ce secteur, un domaine de juridiction provinciale. Au nom des valeurs canadiennes, il a imposé un cadre contraignant aux provinces. Ce financement fédéral a créé une culture de dépendance dans les provinces qui a émoussé leur ardeur à améliorer la gestion de leurs réseaux.

Ce mélange de rigidité et de passivité a largement contribué au résultat que l'on sait, un système de santé qui ne donne pas les résultats escomptés et qui est fort démuni face à l'explosion prévisible des coûts.

Eh bien, les signaux envoyés par le premier ministre Stephen Harper annoncent des changements profonds dans la façon dont Ottawa voit son rôle en santé. Il était temps.

L'entente fédérale-provinciale, signée par l'ex-premier ministre Paul Martin, prend fin en 2014. Elle prévoyait une généreuse croissance des transferts fédéraux, 6% par année. Au moment où les provinces se préparaient à des discussions pour le renouvellement de cette entente, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a annoncé, en précisant qu'il n'y aurait pas de négociations, que les transferts en santé augmenteront au rythme annuel de 6% pour trois années additionnelles, mais que, par la suite, leur croissance sera limitée à celle de l'économie, soit environ 4%.

Les provinces ont poussé des hauts cris, indignées par le caractère unilatéral de la démarche et choquées d'apprendre qu'à partir de 2017, la croissance de la contribution fédérale sera réduite. Les provinces s'entendent toujours quand il s'agit de demander plus à Ottawa. Dans ce dossier, leur réaction reflète l'infantilisme dans lequel la logique actuelle du fédéralisme les plonge.

Cette offre fédérale était prévisible. À cause de la crise, il était évident qu'Ottawa, pour rétablir l'équilibre des finances publiques, resserrerait les cordons de la bourse. Les premiers ministres provinciaux, aux prises avec les mêmes problèmes, devraient le comprendre. D'autant plus que cette offre, sans être généreuse, est raisonnable. Les provinces disposent d'un délai de cinq ans avant d'être frappés par cette relative austérité. En outre, la cible fédérale - des dépenses qui augmentent au rythme de l'économie - s'impose si on veut éviter que la santé accapare une part croissante de la richesse collective.

Deux éléments de cette offre à prendre ou à laisser sont plus lourds de conséquences. D'abord, les transferts se feront sur une base per capita, en fonction du nombre d'habitants de chaque province. Ottawa abandonne ainsi l'objectif de redistribution interprovinciale, qui faisait en sorte que les provinces pauvres recevaient plus en proportion. Cela pénalise les provinces de l'Est, dont le Québec.

L'autre changement, encore plus significatif, qui devrait en principe plaire au Québec, c'est que ces transferts ne seront plus assujettis à des conditions. «Nous n'avons pas l'intention, a dit M. Harper, d'imposer une vision fédérale sur un système qui est la compétence des autres.»

Ce message annonce la fin de la vision trudeauiste de la santé. Il fera paniquer ceux qui croient qu'Ottawa a pour mission de protéger ce pilier identitaire canadien. Il devrait plaire ceux qui souhaitent plus d'autonomie pour les provinces et qui croient que le carcan fédéral a été un frein qui les a empêchées d'innover pour mieux gérer leur système de santé.

Mais ce n'est qu'un premier pas. Le véritable test de l'intention d'Ottawa de ne plus imposer ses vues sera l'abandon de la Loi canadienne sur la santé, qui précise les cinq conditions imposées au provinces pour avoir droit aux transferts fédéraux. Ce véritable carcan, qui n'existe nulle part ailleurs, explique largement pourquoi les systèmes de santé canadiens sont en perte de vitesse.