Le premier ministre Harper et le président Obama ont annoncé, mercredi à la Maison-Blanche, un très ambitieux plan d'action qui mènerait à la création d'un périmètre de sécurité canado-américain et qui faciliterait le commerce et les échanges entre les deux pays.

Cette entente fera grincer des dents au nord du 45e parallèle. Parce qu'en substance, pour réussir à réduire les obstacles frontaliers, le Canada doit accepter de créer une frontière commune avec les États-Unis qui protégera en quelque sorte le nord du continent américain du reste du monde. Dans les faits, cela veut dire que le Canada fera sienne la philosophie de sécurité américaine et donc sa paranoïa de l'après-11 septembre 2001.

En vertu de ce plan d'action, intitulé «Par-delà la frontière», la collaboration entre les deux pays sur la sécurité sera plus grande - stratégie anti-terrorisme commune, échange d'information, adoption de normes de sécurité américaine, comme la détection des explosifs dans les aéroports. Cela peut soulever des questions sur la protection de la vie privée. Mais plus profondément, cela forcera le Canada à accepter de sacrifier un peu de sa souveraineté.

Cela provoquera des résistances, surtout dans les autres provinces, parce que l'identité anglo-canadienne se définit en bonne partie par ce qui distingue le Canada des États-Unis. Le spectre de l'américanisation des institutions canadiennes, ou de l'abandon des valeurs canadiennes peut déclencher de vifs réflexes identitaires.

Mais avant que les purs de l'identité canadienne ne commencent à grimper aux rideaux, j'aimerais faire une remarque et poser une question. La remarque, c'est qu'il ne s'agit pas d'un traité, mais d'un plan d'action gradualiste qui prendra des années avant d'être mis en place et qui, au début, se résumera à des comités et des projets-pilotes. Cela nous donnera amplement le temps d'en évaluer l'évolution. Et la question: si le Canada dit non à ce projet, quel est son plan B?

Le Canada et les États-Unis ont des économies profondément intégrées, le niveau des échanges entre le deux pays est colossal. Et pourtant, leur frontière commune est une barrière, avec les duplications de contrôle, les mesures tatillonnes. Ça coûte des milliards et ça n'a aucun sens, entre deux pays frères liés par un traité de libre-échange. Ce problème n'est pas nouveau, mais il a été aggravé par le traumatisme du 11- Septembre.

Il fallait faire quelque chose. Et le gouvernement Harper a fait un travail considérable à ce chapitre. Le projet, à terme, réduira les duplications, avec des normes communes, des inspections uniques pour les deux pays, une facilitation du déplacement des voyageurs. Mais le prix à payer, c'est d'accepter la logique des Américains qui n'accepteront que leur frontière avec le Canada soit plus poreuse uniquement s'ils sont certains que ce qui vient de l'Alberta est aussi sécuritaire que ce qui vient de l'Illinois. D'où le périmètre de sécurité.

Cela nous rappelle que les relations entre nos deux pays sont inégales. Mais est-ce trop cher payer? Non. Quand on pense que plusieurs de ces mesures de sécurité, comme le contrôle des entrées et des sorties, seront aussi très utiles pour le Canada. Et surtout, il faut profiter de cette occasion de briser la culture de méfiance qui s'est installée depuis dix ans.

Et pour une fois, au plan politique, les planètes sont bien alignées. Parce que les conservateurs sont plus ouverts aux Américains. Et parce que le fait que l'interlocuteur américain soit Barack Obama rassurera bien des Canadiens, qui ne se sont pas aperçus que, sur les questions de frontière et de sécurité, son administration n'est pas différente de la précédente.