Souvent, pour décrire les prévisions économiques, on parle de boules de cristal. C'est le titre que La Presse a d'ailleurs donné, pendant des années, au recensement des pronostics économiques qu'elle publiait avant les Fêtes.

Ce terme m'a toujours agacé, à cause de ses connotations divinatoires, qui associaient la science respectable qu'est l'économie à un exercice de diseuse de bonne aventure. Les prévisions économiques ne sont pas nécessairement fiables - on l'a vu en 2008 avec la crise - mais elles reposent sur une démarche scientifique, sur une analyse rigoureuse des données disponibles, sur l'utilisation de modèles économétriques très sophistiqués.

Eh bien, en cet automne de 2011, on est revenus à prédire l'avenir dans du marc de café ou des feuilles de thé, ou dans les lignes de la main de nos dirigeants politiques. Parce que ce qui va arriver à l'économie, dans les mois qui viennent, ne dépendra non pas de facteurs économiques, mais bien davantage des décisions politiques qui se prendront aux États-Unis et surtout, en Europe.

Comment prévoir des décisions politiques? Que fera Nicolas Sarkozy? Angela Merkel? Barack Obama? Les nouveaux gouvernements de Grèce, d'Espagne et d'Italie? C'est un exercice périlleux, surtout en période de crise.

Cette incertitude, palpable depuis la fin de l'été, a pris un relief nouveau avec les prévisions économiques que vient de présenter l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE. L'organisme révise ses projections à la baisse, et confirme essentiellement les conclusions de la Banque du Canada, des gouvernements québécois et canadiens ainsi que des prévisionnistes privés canadiens.

En substance, l'économie a ralenti dans la deuxième moitié de 2011 et la croissance restera faible en 2012 pour retrouver une vigueur modeste en 2013. Mais ce ralentissement prendra des formes très différentes. Dans les économies émergentes, la croissance restera très vigoureuse. Elle sera modeste, aux alentours de 2%, au Canada, aux États-Unis et au Japon. Elle sera à peine au-dessus de zéro en Europe, et donc plusieurs pays européens seront en légère récession, notamment les puissances que sont l'Italie, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

En soi, un petit creux en 2012 et une reprise en 2013, ce n'est pas une si mauvaise nouvelle que ça. Le problème, c'est que ces prévisions sont terriblement fragiles. «Plus encore que d'habitude, note l'OCDE, les perspectives économiques dépendent d'événements dont la nature et le calendrier sont très incertains.»

Le scénario de l'OCDE repose en effet sur des hypothèses: des politiques monétaires accommodantes, des politiques américaines qui ne compromettront pas la reprise et surtout, la capacité des Européens de juguler la crise des dettes souveraines. Et si ce scénario optimiste ne se vérifie pas? On risque une contagion de la crise à d'autres pays, avec des effets dévastateurs, un effondrement de l'euro, une autre crise financière.

Je suis de ceux qui croient qu'on évitera cette catastrophe, en étant bien conscient que mes prédictions ne sont pas plus fiables que les autres.

Mon optimisme très relatif repose sur le fait que, contrairement à 2008 où la crise a pris presque tout le monde par surprise, cette année, les décideurs connaissent les enjeux, et savent ce qu'il faut faire.

Il repose aussi sur l'hypothèse que les décideurs politiques finiront par faire les bons choix, parce que les conséquences sont énormes, et qu'ils ne peuvent pas se payer le luxe d'échouer. Déjà, on a vu que le processus politique, en Grèce, en Italie, en Espagne, va malgré tout dans la bonne direction.

On peut cependant être optimiste sans être naïf. La sagesse, pour les gouvernements et les décideurs, dans une telle situation, c'est de se préparer au pire mais de tout mettre en oeuvre pour que ce pire ne se produise pas.