Depuis 1978, en vertu d'une entente entre la France et le Québec, les étudiants français inscrits dans une université québécoise paient les mêmes droits de scolarité que les étudiants québécois. Ils sont exemptés des primes imposées aux étrangers. De la même façon, les Québécois qui étudient en France jouissent de la gratuité universitaire de ce pays.

Au fil des ans, l'échange est devenu inégal. L'idée d'étudier en France, très populaire il y a 30 ans, a perdu de son attrait, tant et si bien que le nombre d'étudiants québécois en France stagne: 1043 en 2006, 1093 en 2010, selon les données d'un article que signait lundi ma collègue Pascale Breton.

Par contre, le nombre d'étudiants français au Québec a littéralement bondi. Ils étaient 6418 en 2006, 7862 en 2009, et 8798 en 2010. 37% de plus en quatre ans. Et surtout, ils sont presque neuf fois plus nombreux que les Québécois qui traversent l'Atlantique dans l'autre sens.

Cette inversion du flux provoque toutes sortes de paradoxes. Le principal, c'est que l'exemption dont jouissent les étudiants français nous coûte une petite fortune et que le Québec se retrouve ainsi à subventionner les Français!

Combien ça coûte? Ces jeunes Français paient les mêmes 2167$ par année que les Québécois. Ils n'ont donc pas à verser les droits supplémentaires imposés aux étudiants étrangers, qui varient de 12 393$ à 17 031$ selon les programmes. Cela équivaut, en gros, à 90 millions par année, dont il faut soustraire la quinzaine de millions que le Québec économise en envoyant un millier d'étudiants en France.

Avec ses rabais pour les étudiants français, le Québec se trouve à verser une subvention de 75 millions à la France. Un pays qui ne fait pourtant pas partie des nations nécessitant de l'aide internationale. Il y a là une anomalie à corriger.

Avant de grimper aux rideaux, il faut tenir compte de toutes les années où le Québec était gagnant avec ce programme. Et surtout, il faut évaluer cette entente dans son contexte, l'ensemble des programmes et initiatives qui lient le Québec et la France.

Il faut aussi se demander pourquoi la migration estudiantine a changé de direction. Cela tient largement à la nature du système universitaire français, un réseau à deux vitesses : des universités traditionnelles, gratuites, mais souvent bondées, où l'accès aux professeurs est difficile, et qui n'ont rien d'attrayant pour les Québécois, surtout au premier cycle; et de grandes écoles, payantes, difficiles d'accès.

Un Québécois qui s'inscrit aux HEC de Paris devra débourser 11 900 euros par années, environ 16 500$, au lieu de 2167$ pour les HEC de Montréal. Sept fois plus. Pour les Français, c'est le contraire, sept fois moins. Pas étonnant qu'ils débarquent en masse. À cela s'ajoutent les autres facteurs d'attraction de Montréal pour un jeune, son mode de vie, le faible coût de la vie, le taux de chômage bas.

Mais aussi le fait que Montréal est en Amérique. Et c'est ainsi que quelques centaines d'entre eux choisissent des universités anglophones, pour apprendre ou perfectionner leur anglais. Cela donne de l'urticaire aux plus nationalistes. Mais n'oublions pas qu'un des grands arguments de vente du Québec en France, c'est d'être une porte d'entrée en Amérique. Cette ouverture sur le continent est rendue possible par le fait que Montréal est un lieu de rencontre de deux cultures, notamment grâce à son double réseau universitaire.

Mais le véritable enjeu, c'est le coût de ces échanges pour le Québec. Et s'il y a une bonne façon de le réduire, c'est de tenter de garder le plus possible ces jeunes Français chez nous. Ce sont des immigrants rêvés : jeunes, francophones, diplômés, déjà intégrés grâce à leurs années d'études ici... et parfois bilingues!