Il y a quelques semaines, bien des gens voyaient le mouvement des indignés de Wall Street comme la version occidentale du printemps arabe. Finalement, ce ne fut qu'un exercice désordonné de camping urbain qui s'est terminé en queue de poisson.

Rarement aura-t-on vu une balloune se dégonfler de façon aussi spectaculaire. Qu'est ce qui s'est passé?

Cette débandade s'explique, en premier lieu, par le fait que ce mouvement a été victime de l'hyperbole médiatique. Parce que la même chose se passait en même temps dans plein de pays, grâce à l'effet Twitter, on a cru que ces occupations représentaient une vague de fond planétaire. En oubliant que, maintenant, tout est global, y compris ce qui est mineur.

La deuxième cause de l'échec tient à la nature de ce mouvement qui s'est voulu sans chefs, sans structures, sans programmes, sans revendications. Une fois que les indignés ont exprimé leur indignation, que pouvaient-ils apporter de plus? Et c'est ainsi que, rapidement, on a cessé de parler de leur message informe pour ne plus parler que de leur mode de vie, leurs tentes, leurs cabanes, l'attrait qu'ils exercent sur les sans-abris, et maintenant le démantèlement de leurs installations dans diverses villes.

Cette façon nouvelle de contester la société qui s'est avéré être un flop total.

La troisième cause de l'échec est de loin la plus importante. Et c'est que, fondamentalement, il s'agissait d'un mouvement marginal. Il y a eu, dès le départ, un énorme malentendu. Le mouvement dénonçait Wall Street et les abus du secteur financier. Ce avec quoi à peu près tout le monde est d'accord. On en a donc déduit, à tort, que le mouvement des indignés était la pointe de l'iceberg, l'avant-garde d'un mouvement beaucoup plus large, l'expression de la colère de la majorité silencieuse.

Et ça, c'était faux. Le mouvement a suscité de la sympathie, mais pas d'adhésion. Pour une raison très simple. Occupons Wall Street et ses diverses déclinaisons est foncièrement un mouvement anti-capitaliste, qui a surtout attiré des militants qui contestent ce système et souhaitent le renverser. Un courant qui reste extrêmement minoritaire.

D'autant plus que le fait d'exprimer de la méfiance ou de la colère envers le monde de la finance et les hyper-riches ne constitue pas, en soi, un projet politique. C'est au coeur, entre autres, de tous les courants populistes, qu'ils soient de gauche ou de droite.

Il est vrai que cette colère s'exprime davantage actuellement en raison du rôle qu'a joué le secteur financier dans la crise qui nous a frappés en 2008. Il y a un débat à mener sur la place trop grande que prend le secteur financier dans nos économies, sur la richesse qu'il draine, sur les abus qu'il a commis, surtout aux États-Unis. En ce sens, comme je l'ai déjà écrit, le mouvement des indignés posait les bonnes questions. Mais la plupart des gens n'accepteront pas leurs réponses. Le fait qu'ils critiquent le monde financier ne les mènera pas à vouloir renverser le système, mais plutôt à l'améliorer et à en corriger les dérives.

Parce que, depuis l'échec du communisme, il n'y a pas d'alternative convaincante. Et surtout parce que ce système capitaliste, tant décrié, reste, dans sa variante moderne de l'État-providence, avec son complément politique qu'est la démocratie, le régime qui a permis les plus grands progrès en termes de bien-être, d'égalité et de justice.

Le capitalisme est un système capable du meilleur et du pire, qu'il faut sans cesse revoir et corriger, cette fois-ci pour s'attaquer aux dérives financières et assurer la durabilité de la croissance. Ça ne se fera pas dans des tentes plantées dans les centres-villes.