Des membres musclés des deux grands syndicats de la construction se sont comportés comme des brutes, en recourant à la violence et à l'intimidation. Ce qu'il faut noter, c'est qu'ils se sont aussi comportés comme de parfaits imbéciles.        

On utilise souvent l'expression «se tirer dans le pied» pour décrire le fait que quelqu'un pose des gestes dont il sera la principale victime. Dans ce cas-ci, il faudrait pousser un peu l'image et dire que la FTQ et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction se sont enfoncés le revolver dans la bouche.

Avec leurs techniques d'intimidation, ils ont offert au premier ministre un incroyable cadeau. Jean Charest, avec sa commission d'enquête bancale sur la construction, a connu une semaine abominable dont il est sorti affaibli. Les débrayages ont aidé les libéraux à changer de sujet. Ils ont en outre donné, rétrospectivement, de la légitimité aux gestes posés par le gouvernement depuis un an dans ce dossier.

Les leaders syndicaux ont également commis une grave erreur d'appréciation. Ils ont sans doute cru que cette manifestation de force les aiderait au moment où les députés étudiaient en commission parlementaire le projet de loi 33, qui vise entre autres à mettre fin au placement syndical dans la construction. Ils ont réussi à provoquer une motion unanime de l'Assemblée nationale pour dénoncer le recours à la violence.

Mais surtout, ils ont renforcé les préjugés que l'on pouvait entretenir sur le monde de la construction. Il n'y a pas de sympathie dans le public pour la violence. Les gens sont enragés par ce qui se passe dans la construction, et ces incidents ne font que montrer, pour ceux qui en doutaient encore, que les pratiques syndicales font partie du problème.

Le président de la FTQ, Michel Arsenault, affirme sans pouffer de rire que la fermeture des chantiers est due à des mouvements «spontanés». Sa défense sans nuances de la FTQ-construction doit gêner un grand nombre des autres syndiqués de la centrale qui n'approuvent pas les pratiques et les valeurs de ce syndicat malade.

Le placement syndical est un mécanisme où les deux grands syndicats, la FTQ et le Conseil provincial - regroupant 70 % des travailleurs syndiqués - fournissent les travailleurs aux employeurs dans certains corps de métier. Michel Arsenault a expliqué la colère de ses membres en disant qu'on les privait d'un droit.

Le placement n'est pas un droit. C'est une pratique. Qui est devenue un privilège. Il confère un énorme pouvoir à ces centrales, puisque les travailleurs, lorsqu'ils choisissent à quel syndicat ils vont adhérer, seront tentés de voter du bon bord pour améliorer leurs chances d'embauche. Il mène à des pratiques inéquitables, bien documentées en septembre par le rapport d'un groupe de travail. Il affecte la productivité en empêchant les employeurs d'avoir un rapport normal avec les employés.

Mais en outre, le placement constitue un vecteur d'entrée pour les pratiques qui ont contribué au pourrissement de cette industrie, notamment le contrôle syndical avec ses gros bras sur les chantiers, le favoritisme envers certains employeurs qui ont accès aux meilleurs employés.

C'est le genre de culture qui a mené aux relations de proximité entre la FTQ et Tony Accurso. Ou encore aux comportements douteux des dirigeants de ce syndicat. Ou à la culture d'intimidation et de violence qui a pu faciliter l'entrée de la mafia et des motards.

En nommant l'ex-ministre péquiste Diane Lemieux à la tête de la Commission de la construction du Québec, en voulant donner des dents à cet organisme, en mettant fin au placement syndical, le gouvernement tente de s'attaquer à un des cancers qui rongent cette industrie. Il était temps.