Le cynisme des citoyens à l'égard des politiciens, leur désengagement, leur manque d'intérêt pour la politique, leur faible participation électorale, ont déclenché, au Québec, tout un mouvement de réflexion sur les façons de redonner un élan à la vie démocratique.

Les idées fusent: introduire la proportionnelle dans le processus électoral, élire le premier ministre au suffrage universel, favoriser les référendums d'initiative populaire, créer une chambre régionale, mettre fin à la ligne de parti dans les débats parlementaires.

Ces suggestions, qui vont dans toutes les directions, ressemblent un peu à du bidouillage démocratique. On emprunte par-ci par-là des pratiques à d'autres systèmes politiques, et on essaie de les arrimer au nôtre. Le résultat serait bâtard. On ne repense pas une démocratie comme un patenteux rénove lui-même son sous-sol.

Derrière ces hypothèses, il y a un élément de pensée magique. Il suffirait de changer le système, de modifier les règles pour donner un nouveau souffle à la vie démocratique, comme si c'était un problème mécanique. La politique est une activité humaine. Ce ne sont pas les règles qu'il faut changer, mais les comportements.

L'intensité dans la recherche de solutions s'explique aussi par la confusion qui entoure ce débat. D'abord la confusion entre le structurel et le conjoncturel. La désaffection à l'égard de la politique est un phénomène généralisé en Occident. S'il a pris une intensité particulière au Québec, c'est pour des raisons précises et circonscrites dans le temps, l'usure du gouvernement Charest, la colère provoquée par son refus d'une enquête publique sur la construction, et le fait que l'alternative proposée par l'opposition péquiste ne suscite pas davantage d'enthousiasme.

Il y a une autre confusion que l'on voit au fait que les principaux protagonistes de ce débat proviennent de la mouvance péquiste, que ce soit Bernard Drainville ou les députés démissionnaires de ce parti. L'intensité qu'y prend la réflexion sur les réformes démocratiques s'explique en grande partie par l'absence d'intérêt pour la souveraineté. Cela mène à un glissement du débat où les efforts pour redonner le goût à la politique ont surtout pour but de redonner du goût à leur option.

Tout cela a contribué à déployer un bazooka pour aller à la chasse aux oies, avec des propositions complexes, dont on ne sait pas si elles auront les bénéfices souhaités, qui risquent d'avoir des effets pervers.

Élire le premier ministre au suffrage universel ? C'est introduire une composante présidentielle, comme en France ou aux États-Unis, qui risque de donner plus de pouvoir au premier ministre, qui exige aussi la mise au point, complexe, de contrepoids. Diriger par référendums? C'est ce qui a donné la paralysie californienne ou le retard de la Suisse d'accorder le droit de vote aux femmes. La proportionnelle? Ça donne plus de gouvernements minoritaires, et parfois des blocages, comme en Israël, otage de ses petits partis religieux. La liberté de vote pour les parlementaires? Ça donne les impasses à Washington et le risque de corruption des élus.

Pour restaurer la confiance, il faut, plus simplement, changer les politiciens et les moeurs politiques. Comment? Dire la vérité. Écouter les gens, ce que Jean Charest n'a pas fait dans le dossier de la construction. Tenir compte de leurs priorités, ce que Pauline Marois ne fait pas en leur imposant un débat sur la souveraineté. Modifier les pratiques parlementaires, notamment la culture artificielle d'affrontement à l'Assemblée nationale, comme le suggère l'ex-péquiste Pierre Curzi.

Souvent, ça ne prend pas grand-chose pour redonner vie à la vie politique. On le voit en Alberta, qui a choisi un musulman comme maire de Calgary, et qui a maintenant une femme, plus à gauche, comme premier ministre.