On reproche souvent aux médias de privilégier les mauvaises nouvelles. Eh bien, ces derniers jours, ils ont fait mentir l'adage, en accueillant, avec un enthousiasme débordant, la Maison symphonique, inaugurée formellement par un concert de l'OSM.

Je faisais partie, mercredi soir, des 1600 personnes qui étrennaient la salle. J'avais le sentiment de participer à un moment magique et historique. Cet enthousiasme s'explique d'abord par le projet lui-même - le simple fait qu'il ait vu le jour après tant de ratés - et la salle elle-même, un espace beau, chaleureux, à la fine pointe de la technologie, au son extraordinaire. Mais l'enthousiasme s'explique aussi par le fait que Montréal, morose, a désespérément besoin de bonnes nouvelles.

Si Montréal, et le Québec, veulent d'autres projets enlevants, ça vaut la peine de regarder pourquoi ce projet a été couronné de succès, quelle est sa recette magique.

Une ville, c'est une entité vivante, organique, avec sa personnalité, ses humeurs, ses moments d'enthousiasme et de dépression. Pour grandir, elle a besoin de catalyseurs, de projets porteurs, de grands moments, qui créent une cohésion, donnent un élan, frappent l'imagination, suscitent de la fierté. Évidemment, il faut se méfier des délires de grandeur. Pour être véritablement utile, il faut qu'un projet serve à quelque chose. Mais il est clair qu'une ville comme Montréal devait être dotée d'une salle de concert de calibre international.

Les projets rassembleurs peuvent prendre plusieurs formes, on le voit à Québec avec le stade et le rêve de retrouver une équipe de hockey. Mais la culture a toutefois une place privilégiée, déterminante même, parce qu'elle enrichit le tissu urbain, qu'elle est une source de créativité et un ingrédient du développement économique, mais aussi parce qu'elle est porteuse de rêve, qu'elle renforce la cohésion et le sentiment identitaire.

Ce projet de salle de concert nous rappelle aussi que l'État peut et doit jouer un rôle important. Ce n'est pas vrai que le privé peut tout faire, dans une petite société, notamment en culture. On a besoin de l'État. Et son rôle, dans ce cas-ci, c'est celui d'avoir financé un investissement structurant, en dotant la collectivité d'un équipement nécessaire. C'est aussi d'avoir contribué au patrimoine architectural, en léguant un héritage aux générations futures où la qualité, la beauté et la pérennité ont primé les considérations comptables de court terme.

Mais sans le secteur privé, cette salle n'aurait jamais vu le jour. Parce que l'Orchestre Symphonique de Montréal, sans être le seul occupant des lieux, a joué un rôle de locomotive. L'OSM n'existerait pas dans sa forme actuelle sans les efforts financiers, l'implication et la passion de ceux et celles qui le soutiennent. Et cette salle ne serait probablement pas ouverte sans la formule du PPP qui, dans ce cas-ci, a été un beau succès.

Et il y a un facteur humain. Les projets compliqués peuvent échouer, parce qu'il y a toujours des obstacles, d'autres priorités, la force de l'inertie. Ils doivent être portés par quelqu'un. Sans la volonté du premier ministre Charest, sans l'acharnement de l'ex-ministre Monique Jérôme-Forget qui en a fait son bébé, sans la présence de l'ancien premier ministre Lucien Bouchard, il y a fort à parier que le projet aurait tourné en queue de poisson.

Il y a un autre ingrédient au succès, qui reste à venir, et c'est l'adhésion: que les gens embarquent, qu'ils sentent que c'est pour eux. Ce sera plus difficile avec une salle de concert réservée à la musique classique. Mais les efforts pour démocratiser cette musique peuvent aider. Tout comme le fait que la Maison symphonique n'est pas dans une bulle. Elle fait partie d'un tout, le Quartier des spectacles.