Je ne suis pas un grand fan de Jim Flaherty. Mais le ministre canadien des Finances a parfaitement raison de refuser d'annoncer des mesures de relance avant que celles-ci ne soient nécessaires. Cette attitude «zen» n'est certainement pas facile à maintenir devant les fortes pressions pour qu'il fasse «quelque chose». Mais c'est la voie de la sagesse.

Il est vrai que la situation économique est incertaine. La croissance n'est pas assez forte, en Europe et surtout aux États-Unis, assez pour qu'il y ait risque de retour à la récession. Un grand nombre de pays sont dans une situation financière précaire. Les soubresauts des marchés financiers ne font qu'aggraver la situation. Et le Canada, qui résistait bien à la tourmente, a enregistré un léger recul au deuxième trimestre qui, sans être dramatique, a de quoi nous inquiéter.

Que faut-il faire, alors? Poursuivre les mesures d'austérité visant à restaurer la santé budgétaire des États, ce qui risquerait d'affaiblir encore plus l'économie? On encore se lancer dans des mesures de relance pour éviter la récession, quitte à accroître les déséquilibres financiers? Cette réflexion, elle a lieu dans tous les pays industrialisés.

La réponse, juste point d'équilibre entre ces deux pôles, dépendra du contexte de chaque pays. Le Canada peut difficilement s'inspirer des autres, puisqu'il est jusqu'ici un modèle en la matière. Il est sorti de la crise plus vite, son retour à l'équilibre budgétaire est crédible, son économie reste forte, son système financier est sain et il n'est pas hanté par le chômage.

Voilà pourquoi M. Flaherty a résisté aux appels de l'opposition pour annoncer de nouvelles initiatives. Le ministre reconnaît que la situation est fragile, mais ajoute que le Canada est bien placé. Il s'est borné à dire qu'il ferait ce qui doit être fait. Le premier ministre Harper a tout au plus noté qu'il pourrait repousser l'échéance du déficit zéro si cela s'avérait nécessaire.

Ce serait en effet une erreur de se lancer dans des efforts de relance - dont il faudrait ensuite payer le prix - si ce n'est pas absolument nécessaire. Il ne faut pas non plus créer des attentes en annonçant des projets qui ne verront probablement pas le jour. Par contre, le gouvernement canadien doit être capable de bien lire les signaux et d'agir rapidement si les choses se mettaient à aller mal.

Il est vrai que bien des gens ne font pas confiance à Jim Flaherty, parce que celui-ci n'a pas voulu intervenir quand la crise a frappé, à la fin de l'année 2008. C'est la crainte de perdre le pouvoir au profit de la coalition PLC-NPD qui l'a forcé à lancer un vaste programme de stimulation. Après le succès de cette politique de relance, il serait toutefois très étonnant que le ministre revienne à son dogmatisme d'antan.

Et s'il faut intervenir, il reste à savoir quoi faire. La situation a assez changé pour qu'il ne soit pas souhaitable de refaire la même chose qu'il y a deux ans. Le chef libéral Bob Rae a dit mercredi que le gouvernement devrait prioriser l'emploi. Qu'est ce que ça veut dire, exactement, quand le taux de chômage a baissé à 7,2%, que le Canada a récupéré tous ses emplois perdus et qu'il en a même créé 169 000 de plus?

Le Canada n'a pas besoin de mesures d'urgence, comme des grands travaux ou des soutiens artificiels à l'emploi, il a besoin d'interventions plus patientes, plus structurantes, comme des politiques de formation de la main-d'oeuvre, ou de l'aide pour permettre à une industrie manufacturière malmenée par la hausse du dollar d'améliorer sa productivité. Bref, autre chose qu'encore plus de bulldozers.