Cet été, en vacances au Portugal, j'ai parcouru la région du Douro. Les paysages sont fabuleux. Les montagnes escarpées qui se jettent dans le fleuve et ses affluents, les vallées, la culture de la vigne en terrasses.

Cet été, en vacances au Portugal, j'ai parcouru la région du Douro. Les paysages sont fabuleux. Les montagnes escarpées qui se jettent dans le fleuve et ses affluents, les vallées, la culture de la vigne en terrasses.

Ce n'est pas pour rien que l'UNESCO a classé une partie de ce territoire, la région viticole du Haut Douro, comme site du patrimoine mondial pour son paysage culturel. Un paysage marqué par la culture de la vigne et la production de vin depuis les Romains, et surtout connu pour la production du porto.

Mais ce qui peut étonner un voyageur québécois, ce sont les éoliennes qui ont envahi le territoire. Il y en a partout, des dizaines, des centaines, qui se découpent au loin sur les cimes des montagnes.

Les Portugais, ainsi que les touristes qui parcourent leur pays, ne semblent pas voir d'incompatibilité entre cette intrusion technologique contemporaine et le caractère patrimonial du paysage. Comment des pays comme le Portugal, l'Allemagne ou le Danemark -- où les éoliennes en mer coupent la ligne d'horizon -- y parviennent-ils?

La réponse à cette question peut être utile au Québec, où le vent d'opposition assez vif au déploiement d'un réseau d'éoliennes repose en partie sur des arguments liés au paysage, des structures décrites comme une injure à la nature dont la prolifération pourrait nuire au tourisme.

Cette réponse est double. Le premier argument, c'est la nécessité. Un choix pratique. On développe les éoliennes parce qu'on a besoin d'une source d'énergie propre et renouvelable. Moins un pays dispose d'options énergétiques, plus il choisira de recourir à l'énergie du vent.

L'autre réponse, c'est que pour assurer l'acceptabilité des éoliennes, il faut faire un choix esthétique. Il suffit de convenir, collectivement, que les grandes éoliennes blanches sont élégantes et que leur présence ne compromet pas la beauté d'un lieu naturel. De définir une nouvelle esthétique du paysage.

Ce n'est pas une vue de l'esprit. On peut fort bien trouver que ces grandes ailes blanches qui tournent langoureusement au loin sur la cime d'une montagne sont belles. On doit aussi se rappeler que les humains n'ont jamais cessé de modifier leurs canons esthétiques, de redéfinir ce qui est beau dans la nature, ou de choisir d'ignorer ce qui est laid.

Un bel exemple, ce sont les routes. La nature que l'on veut intacte n'est, dans la quasi-totalité des cas, accessible que par une route. Il y a des exceptions -- on peut s'enfoncer dans les Chic-Chocs, aller dans le nord en hydravion, descendre la Broadback en canot -- mais presque toujours, par définition, ça prendra une route. Pour pouvoir apprécier la nature, on a accepté implicitement qu'il fallait lui imposer la blessure significative que représente un axe routier.

Un autre exemple, plus parlant, c'est le fait que les principales destinations touristiques du Québec, en dehors de ses grands centres urbains, les lieux dont on vante la beauté, ceux qui attirent le plus de monde, ce ne sont pas nos régions sauvages intactes, mais plutôt celles qui ont le plus été transformées par l'homme: les Cantons-de-l'Est, Charlevoix, le Bas-du-fleuve, la vallée du Saint-Laurent.

Ce qu'on trouve beau, ce sont ces vallées défrichées depuis des siècles, les villages, les églises, les fermes, les silos, les champs, les forêts au loin. C'est l'équilibre entre la nature pure et la transformation du territoire.

Il y a bien sûr de bonnes raisons pour expliquer l'opposition aux éoliennes -- la transparence des promoteurs, le niveau de compensation, les effets négatifs de la proximité. Car une éolienne, ce n'est beau que de loin. Mais l'argument de l'esthétique et des menaces au tourisme est fragile.