La semaine dernière, l'ex-chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, dans sa première entrevue depuis sa défaite, a proféré une véritable horreur en brandissant le spectre de l'assimilation.

La semaine dernière, l'ex-chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, dans sa première entrevue depuis sa défaite, a proféré une véritable horreur en brandissant le spectre de l'assimilation.

«Si les Québécois et les Québécoises, d'ici 15 ans, ne bougent pas, inévitablement on sera sur la même pente que les Franco-canadiens et les Acadiens. C'est une assimilation fulgurante. Il ne faut pas se cacher la vérité», a lancé M. Duceppe, qui a même fait allusion au gumbo des Cajuns.

Gilles Duceppe avait raison sur un point: la vallée du Richelieu ressemble de plus en plus à une zone de bayous. Mais sa prédiction sur l'assimilation, qu'il voit sur un horizon de 50 ans, est un non-sens sociologique et démographique. Elle est également troublante au plan politique, parce qu'elle joue sur les réflexes de peur et de repli sur soi.

Mais la question qu'il faut se poser, c'est pourquoi Gilles Duceppe, un homme intelligent, et modéré, qui a fait preuve de retenue sur les questions identitaires, brandit soudainement des arguments de peur? Pourquoi un politicien, qui n'est certainement pas bête, dit-il soudainement des bêtises?

Les mots ont un sens. L'assimilation, ça signifie que les francophones du Québec cesseraient en masse de parler français pour devenir des anglophones. Avec le calendrier de M. Duceppe, les enfants de ma fille cadette, qui a 13 ans, basculeraient à l'anglais.

C'est gros. Très gros. Le Québec, malgré son histoire tourmentée, a extrêmement bien résisté à l'assimilation. L'histoire du Canada montre que ce processus s'amorce plutôt quand une population est très minoritaire, et qu'elle est privée d'outils de protection, par exemple l'absence d'écoles françaises, l'interdiction de parler français, l'impossibilité de travailler en français.  Rien à voir avec le Québec, où les francophones sont et resteront très largement majoritaires, et disposent d'un gouvernement, de lois, d'institutions, d'une base économique. Ça ne colle pas.

Cette thèse hausse d'un cran le débat sur la langue que mènent certains souverainistes et qui porte davantage sur le fait que les francophones sont maintenant minoritaires sur l'île de Montréal. Je ne partage pas l'inquiétude des souverainistes, parce que ce phénomène s'explique par le départ des francophones vers les banlieues et à l'immigration.

Ce qui attend le Québec, ce n'est pas une augmentation des anglophones, mais une augmentation des allophones, qui aura pour résultat inévitable de réduire légèrement le poids des francophones au Québec. Est-ce un problème? Je ne crois pas. Mais ceux que cela inquiète n'ont qu'une solution, freiner l'immigration.

Et c'est cette porte qu'ouvre M. Duceppe avec ses scénarios de catastrophe. Ce qu'il fait, c'est de plaquer un modèle acadien du XIXe siècle à une problématique d'immigration du XXIe siècle. Et de créer une certaine confusion entre les vieilles peurs, la peur de l'autre, traditionnellement l'Anglais, et les nouvelles peurs, celle de l'immigrant.

C'est étonnant de la part de M. Duceppe, lui qui avait refusé d'embarquer dans la croisade du «nous» de Pauline Marois. D'autant plus que sa sortie n'est pas un accident. Il s'était préparé pour son entrevue avec Anne-Marie Dussault, sa première.

L'explication la plus plausible, c'est que Gilles Duceppe, maintenant libre, et voyant le PQ s'enfoncer dans la crise,  préparerait le terrain pour un retour possible à la vie politique québécoise. Son discours alarmiste ne s'adresse pas à la population québécoise, mais plutôt aux militants du PQ, surtout ceux qui s'inquiètent de la mollesse de Pauline Marois.

Et cela reflète une tendance qui n'a rien de sain. Parce que le mouvement souverainiste est affaibli, sa tendance naturelle est de se regrouper autour des questions identitaires et de revenir à la logique du nationalisme ethnique. René Lévesque doit se retourner dans sa tombe.