La façon dont Jim Flaherty a présenté son budget, lundi, ressemblait plus à une blague qu'à autre chose. Comme c'était une version à peine remaniée de celui du mois de mars - appelons-le Flaherty 2.0 - le ministre des Finances a choisi de ne pas prononcer de discours et de redéposer tel quel le document budgétaire de mars auquel on avait ajouté à l'encre bleue pâle les rares modifications.

La façon dont Jim Flaherty a présenté son budget, lundi, ressemblait plus à une blague qu'à autre chose. Comme c'était une version à peine remaniée de celui du mois de mars - appelons-le Flaherty 2.0 - le ministre des Finances a choisi de ne pas prononcer de discours et de redéposer tel quel le document budgétaire de mars auquel on avait ajouté à l'encre bleue pâle les rares modifications.

Derrière la facétie - qu'on pourrait peut-être décrire comme de l'humour bleu - il y avait un message. Une façon imagée de montrer que les conservateurs ont tenu promesse en présentant à nouveau le budget qui était passé à la trappe quand ils ont été défaits.

Cette constance dans l'action est à la fois admirable et regrettable. Admirable parce qu'elle traduit un souci de cohérence. Regrettable parce que le budget de départ n'avait rien d'impressionnant.

Les critiques les plus courantes à l'égard des deux versions de ce budget ont quelque chose de redondant, en ce sens qu'elles reprochent en substance au gouvernement conservateur de produire un budget conservateur. M. Harper a été réélu, essentiellement sur ce budget, avec un mandat majoritaire, et il sera là pour au moins quatre ans. Aussi bien s'y habituer.

Ma critique est d'un autre ordre. Elle tient au fait que la première version de ce budget a été produite dans un contexte politique très précis. Celle d'un gouvernement minoritaire dont la fin approchait, et pour qui ce budget constituait le coup d'envoi de sa campagne électorale. Le résultat : un document truffé de slogans, qui évitait les enjeux déplaisants ou complexes, et qui comportait une multitude de mesures capables de nourrir les annonces quotidiennes d'un premier ministre en campagne.

Ces contraintes politiques ont mené à un budget qui est, pour revenir au jargon informatique, un Flaherty «light». Le résultat est trop léger pour un gouvernement qui s'installe pour quatre ans et qui a du pain sur la planche. Le budget n'est plus à la hauteur de la situation. Et cela mène à deux lacunes.

La première, c'est le silence inacceptable sur la façon dont les conservateurs comptent revenir à l'équilibre budgétaire. En mars, le ministre annonçait le déficit zéro pour 2015-2016. On peut comprendre que, dans un contexte électoral, les réalités désagréables associées à ce combat aient été pudiquement gommées.

Mais pendant la campagne, le premier ministre Harper a élevé la barre en devançant d'un an l'élimination du déficit. Le succès de cette opération repose sur un vaste examen stratégique qui doit mener en trois ans à des compressions récurrentes de 4 milliards. Le défi est énorme, parce que ces coupes ne portent que sur une fraction des dépenses fédérales, soit 80 milliards sur 240, puisque des pans entiers - les transferts aux provinces, aux individus -  seront épargnés. Là où elles frappent, dans les ministères et organismes, les compressions seront de 5% à 10%.

Le problème, c'est qu'on ne sait rien de ce que fera le gouvernement. Ce sera dans le budget de l'an prochain. Autrement dit, la pierre angulaire de la politique budgétaire du gouvernement Harper ne se retrouve pas dans le budget qu'il dépose. C'est quand même étrange.

L'autre malaise vient du fait que le budget de mars abordait les questions économiques à coups de slogans simplistes, comme les promesses de création d'emploi. On a escamoté tous les grands enjeux auxquels seront confrontés les conservateurs, même s'ils n'aiment pas les grands enjeux songés, comme les pressions démographiques, la crise appréhendée en santé, les impacts économiques d'un nouveau contexte mondial. Ces sujets vont revenir comme un boomerang.

C'est ainsi que ce budget, dans ses deux versions, est un exercice de transition, qui remet les vrais choix à plus tard. Appelons-le Flaherty Bêta.