Pour bien des gens, surtout dans les autres provinces, l'effondrement du Bloc québécois débarrassera le pays de la grande menace qui pesait sur la fédération canadienne.

Pour bien des gens, surtout dans les autres provinces, l'effondrement du Bloc québécois débarrassera le pays de la grande menace qui pesait sur la fédération canadienne.

C'est une double erreur. D'une part parce que la souveraineté, dont le Bloc québécois était le porte-voix à Ottawa, ne peut pas l'emporter et ne représente donc pas un véritable danger. Et d'autre part, parce que d'autres menaces, bien plus significatives pèsent sur l'avenir de la fédération canadienne.

Ces nouveaux défis sont d'une nature nouvelle, ils ne sont pas constitutionnels, ils n'opposent pas comme d'habitude le Québec au reste du Canada. Ils s'expliquent bien davantage par un nouveau partage de la richesse entre les régions du Canada et par les transformations profondes dans les économies de la planète.

Et c'est le premier ministre Stephen Harper, majoritaire, et donc en poste pour un bon quatre ans, qui devra relever le véritable défi du fédéralisme canadien, celui de s'adapter à un pays en mutation qui perd ses repères.

La toile de fond, c'est un pays moins performant, où la richesse se déplace vers les provinces productrices de pétrole. Trois provinces sont maintenant riches à l'échelle nord-américaine: l'Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve. Et les sept autres, y compris l'Ontario, se retrouvent dans le peloton de queue des 15 derniers parmi les 60 États américains et provinces canadiennes.

Le premier défi, c'est qu'avec la nouvelle géographie des inégalités régionales, les mécanismes de péréquation entre les provinces perdent de leur sens. Il n'est pas logique que les complexes formules de calcul des paiements fassent de l'Ontario, toujours la province la plus puissante, un récipiendaire de ce BS interprovincial. Il n'est pas évident que les nouveaux riches du pétrole accepteront sans rechigner leur rôle de vache à lait. Tout cela annonce une douloureuse révision de ce programme, qui constitue l'un des piliers de la fédération.

L'autre défi est financier. Le Canada, moins riche et moins performant, malgré l'illusion de prospérité créée par l'explosion des prix pétroliers, doit combattre un déficit et une dette élevés. Dans ce contexte, l'explosion des dépenses de santé deviendra insoutenable si le Canada ne veut pas frapper un mur. Le Canada n'aura pas le choix. Il devra repenser sa façon de financer la santé et d'organiser le système. Cela ne sera pas seulement une pomme de discorde fédérale-provinciale, mais cela forcera à remettre en cause les fondements identitaires du pays.

Le troisième défi est économique, et c'est celui du cercle vicieux où les prix pétroliers gonflent la valeur du dollar, ce qui pénalise les provinces industrielles exportatrices, surtout le Québec et l'Ontario, et accroît davantage les inégalités régionales. Une énorme bataille se profile à l'horizon pour que la prospérité de l'Ouest ne tue pas le reste de l'économie. Quelles seront les conséquences, sur les politiques monétaires, sur les façons dont le gouvernement fédéral compensera les dommages collatéraux de ses politiques énergétiques?

Le quatrième défi est énergétique et environnemental. Comment concilier le développement pétrolier et le contrôle des gaz à effets de serre, un débat qui oppose l'économie et l'environnement, mais aussi l'est et l'ouest du pays? Face à ces enjeux, le Canada est mal équipé au plan constitutionnel; parce que les ressources naturelles sont du ressort des provinces, il est difficile d'articuler une véritable politique énergétique canadienne. On l'a vu aux réactions à l'appui des conservateurs au projet hydroélectrique du Bas-Churchill.

Ajoutons à cela des débats potentiellement orageux, notamment la création d'une commission des valeurs mobilières unique. Voilà des défis autrement plus complexes et plus peut-être plus explosifs que les débats sur le sens à donner au concept de nation québécoise.