Thomas Mulcair, le numéro un du NPD au Québec, a souvent répété durant cette campagne que le vrai sondage, c'était ce qu'on disait dans les Tim Hortons. Il se trouvait à reprendre, presque mot à mot, un mantra du premier ministre Stephen Harper.

Thomas Mulcair, le numéro un du NPD au Québec, a souvent répété durant cette campagne que le vrai sondage, c'était ce qu'on disait dans les Tim Hortons. Il se trouvait à reprendre, presque mot à mot, un mantra du premier ministre Stephen Harper.

Cette même fascination pour les Tim Hortons aux deux extrémités de notre échiquier politique illustre à merveille ce qui a caractérisé cette campagne électorale, l'effort de tous les partis pour parler à M. et Mme Tout-le-monde, pour trouver des façons de les toucher quand ils lisent leur journal devant un Timatin.

Dans une dynamique à l'américaine, les trois partis nationaux - j'exclus le Bloc qui est sur une autre planète - ont axé leur campagne sur les familles, pour s'adresser à leurs préoccupations et pour formuler des engagements conçus pour elles. «Votre famille. Votre avenir. Votre Canada», disent les libéraux. «Des mesures concrètes pour donner un répit à votre famille», ajoutent les néo-démocrates. «Ici pour les familles qui travaillent fort», lancent les conservateurs.

Avant d'être mal interprété, disons que c'est une excellente chose que les politiciens sortent de leur bulle, créent un contact avec les gens et s'occupent de leurs problèmes. Mais ce virage à saveur populiste a eu un effet pervers. Et c'est la désolante pauvreté intellectuelle de cette campagne.

Le problème, c'est que les solutions qui, au premier abord, sont les plus attrayantes pour les familles ne sont pas nécessairement les plus judicieuses. Et que bien des enjeux, de la plus haute importance quand il s'agit de choisir un gouvernement, n'ont rien à voir avec les préoccupations ou les intérêts immédiats des familles.

L'économie en donne un bon exemple. L'approche Tim Hortons, c'est de promettre des emplois, comme le font les conservateurs, avec des mesures inefficaces. La principale difficulté économique du Canada, ce n'est pas le manque d'emplois, mais l'inadaptation de la main-d'oeuvre, un sujet pas mal plus abstrait. Et le grand enjeu, c'est celui de la productivité, ne peut pas se régler avec des mesures attrayantes pour les familles.

Même chose en santé où, pour toucher les gens, les partis fédéraux promettent des gestes concrets : médecins en région pour le PCC, soins familiaux pour le PLC, pénurie de médecins pour le NPD. Ces interventions sont dérisoires quand on pense que le véritable défi qui attend le gouvernement fédéral, l'explosion prévisible des dépenses de santé et le risque d'implosion du système, ce qu'aucun parti n'ose aborder.

La place du Canada dans le monde, les rapports avec notre voisin américain? L'international, ce n'est pas ce dont on parle dans un Tim Hortons. L'environnement? Le sujet n'est plus autant à la mode. On se contente de critiquer le bilan conservateur et de rester dans le flou, parce que Stéphane Dion a montré que les projets compliqués pouvaient mener à la catastrophe, et parce que les politiques environnementales qui ont des dents n'auront rien d'agréable pour les familles.

Dans cette logique de surenchère familiale, les libéraux de Michael Ignatieff sont les seuls dont la plateforme ne ressemble pas à un catalogue et qui osent des incursions sur le terrain de la pensée complexe. Les sondages laissent croire que ce n'est pas particulièrement gagnant. Et les deux partis qui sont maintenant en tête, les conservateurs et les néo-démocrates, sont ceux qui ont le mieux joué la carte populiste.

Et c'est ainsi que cette campagne électorale s'est transformée en un affrontement entre deux populismes, l'un de droite et l'autre de gauche.

Leurs solutions ne sont pas les mêmes : les conservateurs veulent réduire les impôts des familles, les néo-démocrates veulent leur envoyer des chèques. Mais l'approche et la stratégie se ressemblent étrangement.

La campagne électorale s'est transformée en un affrontement entre deux populismes, l'un de droite et l'autre de gauche.