L'élément le plus étrange de la campagne conservatrice, c'est cette façon de faire des promesses aux électeurs en leur disant qu'il faudra attendre quatre ans pour en voir la couleur.

L'élément le plus étrange de la campagne conservatrice, c'est cette façon de faire des promesses aux électeurs en leur disant qu'il faudra attendre quatre ans pour en voir la couleur.

Si Stephen Harper a choisi cette curieuse approche, c'est dans un souci de cohérence. Que l'on aime ou non les conservateurs, il faut reconnaître qu'il y a quelque chose d'admirable dans cette façon de vouloir aller jusqu'au bout de sa logique même si cela peut être bizarre.

Les conservateurs ont défini leur plan de match dans leur budget du 22 mars. Ils estimaient que ce budget reflétait un bon équilibre entre les nouvelles initiatives et les efforts de réduction du déficit. En toute logique, il n'y avait donc plus d'argent pour de nouvelles promesses. Comme ils disaient n'avoir plus de marge de manoeuvre, la seule façon de faire des promesses, c'est d'attendre d'avoir les sous pour le faire, c'est à dire dans quatre ans, quand le déficit sera éliminé.

La logique est inattaquable. Reste à savoir si les électeurs seront émus par cet effort de cohérence interne, ou si cela renforcera leur cynisme et les amènera à voir le partage du revenu familial ou des crédits d'impôt pour l'activité physique en 2015 comme rien d'autre que des promesses en l'air.

Ce report de promesses, aussi louable soit-il, soulève néanmoins quelques questionnements. Tout d'abord la témérité de définir des priorités pour 2015, quand on sait que les gouvernements peuvent difficilement prévoir les choses avec un minimum de précision au-delà de deux ans. Ensuite, la possibilité réelle que ces politiques ne soient même pas implantées par le vainqueur de ces élections, mais par le gouvernement qui lui succédera!

Cette incongruité illustre bien les difficultés propres à un parti politique qui sollicite un niveau mandat. La plateforme libérale comporte des éléments de nouveauté parce que le chef est moins connu et que le parti se cherche une orientation. La plateforme conservatrice, elle, peut difficilement proposer autre chose qu'un prolongement de l'action du gouvernement sortant.

Et c'est ainsi que la plateforme présentée vendredi dernier, «Ici pour le Canada», consiste essentiellement à reprendre les propositions du budget, et donc à insister sur l'économie et la fiscalité, en y ajoutant quelques éléments.

D'abord un enrobage beaucoup plus partisan, à la limite du supportable, avec allusions lourdes et répétitives à la coalition - j'en ai compté 34 -, et un ton primaire qui semble suggérer que la population canadienne a un problème généralisé de littératie. Ensuite, les quelques mesures qui seront mises en oeuvre dans quatre ans. Enfin, des politiques qui n'ont pas d'incidence budgétaire, mais qui reflètent une philosophie conservatrice qui n'a pas pu s'exprimer pleinement en situation de gouvernement minoritaire, surtout sur les questions de sécurité et de criminalité.

La plateforme réserve néanmoins quelques surprises. Comme l'engagement, maintenant noir sur blanc, de régler le contentieux de l'harmonisation de la TPS et de la TVQ avec le Québec.

L'autre surprise, c'est le fait que M. Harper annonce que le déficit sera éliminé en trois ans plutôt qu'en quatre. En 2014-2015, au lieu d'afficher un déficit de 300 millions, le gouvernement fédéral enregistrera un surplus de 3,7 milliards, et ce, juste avec une revue des programmes.

C'est en soi une bonne nouvelle. Mais elle agace. Dix-sept jours après le dépôt de leur budget, les conservateurs découvrent un écart de prévision de 4 milliards pour 2014, sans virage politique majeur. Est-ce à dire que le budget déposé par le ministre Jim Flaherty, en principe un document formel, ne donnait pas l'heure juste, ne disait pas toute la vérité? La question mérite d'être posée.