Croyez-vous aux promesses électorales? Probablement pas. Si vous êtes désabusé de la politique, comme la plupart des citoyens, vous aurez tendance à croire que les politiciens ne tiennent pas leurs promesses et vous accueillerez donc leurs engagements avec la plus grande méfiance.

Je ne partage pas ce cynisme. L'idée que les politiciens ne tiennent pas leurs promesses est une légende urbaine. Ou rurale? Depuis au moins une décennie, les politiciens, tant au fédéral que dans les provinces, respectent un pourcentage assez élevé de leurs engagements.

La moyenne au bâton est assez bonne quand il s'agit de baisses d'impôt, de programmes sociaux, de projets d'infrastructures, de modifications légales. Il y a une exception dans le cas des promesses normatives, plus difficilement quantifiables et réalisables, comme éliminer la pauvreté, régler les attentes dans les urgences, ou donner sa place au Québec.

J'irais même plus loin. Les promesses, qu'on a tendance à voir comme de la petite politique, jouent un rôle essentiel en campagne électorale. Bien sûr, elles cherchent à séduire. Mais elles ouvrent aussi une fenêtre sur les partis et fournissent une information utile pour décoder leurs intentions, leurs priorités, leurs valeurs... et leurs défauts.

On le voit déjà dans les deux premières semaines de la campagne. Les promesses des trois principaux partis - j'exclus le Bloc québécois qui n'aspire pas au pouvoir et ne peut donc rien promettre - reflètent fidèlement ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent projeter.

Commençons par les conservateurs. Leur première promesse, une formule de partage du revenu entre conjoints résumait parfaitement leur credo: une baisse d'impôt, les familles comme public cible, un effort de rigueur financière qui les amène, curieusement, à repousser la mesure dans quatre ou cinq ans. Cet engagement comporte aussi des effets pervers typiques du gouvernement conservateur, en encourageant les femmes à rester à la maison et en excluant les familles qui n'entrent pas dans le moule traditionnel papa-maman.

Les libéraux ont eux aussi utilisé leurs engagements pour se définir. Leur plate-forme repose davantage sur des promesses que sur des grands énoncés. Les bourses aux étudiants, le soutien aux personnes âgées, le développement des garderies, l'appui aux aidants naturels seront financés en éliminant les baisses d'impôt sur le profit consenties par les conservateurs, que les libéraux décrivent comme un cadeau aux grandes entreprises. Ce positionnement plus social sert clairement à renouer avec les grandes traditions libérales, à se distinguer des conservateurs et à séduire l'électorat néo-démocrate.

Le NPD est lui aussi égal à lui-même en voulant réduire les taux d'intérêt des cartes de crédit, une attaque contre les grandes banques, typique du NPD, atténuée par une promesse de baisses d'impôts pour les PME, elles qui créent de l'emploi.

Reste à savoir si le gagnant du match électoral tiendra promesse une fois au pouvoir. Le cynisme des gens à cet égard tient beaucoup, à mon avis, au livre rouge des libéraux de Jean Chrétien, en 1993, où l'on a promis d'abolir la TPS et de déchirer le traité de libre-échange pour ensuite faire exactement le contraire. Cette culture politique semble révolue. Stephen Harper, par exemple, a tendance à faire ce qu'il dit qu'il fera.

Ces progrès réels s'expliquent moins par un virage vertueux du monde politique que par les pressions qui s'exercent sur lui. D'abord, la rigueur budgétaire force les politiciens à chiffrer leurs promesses et à faire preuve de retenue dans le nombre et le coût de leurs engagements. Les catalogues sont moins épais qu'avant.

Le second mécanisme de contrôle, ce sont les nouvelles technologies de l'information qui permettent de tout enregistrer, de tout archiver et de tout retrouver. La mémoire électronique ne pardonne pas. Et les politiciens le savent.