Finalement, tout indique que ce n'est pas le budget qui précipitera la chute du gouvernement Harper. Il sera plutôt défait par une motion de censure sur son mépris de la Chambre des communes. Mais on peut être certains que les conservateurs voudront réanimer leur budget mort-né et en faire un thème important de la campagne électorale.

Finalement, tout indique que ce n'est pas le budget qui précipitera la chute du gouvernement Harper. Il sera plutôt défait par une motion de censure sur son mépris de la Chambre des communes. Mais on peut être certains que les conservateurs voudront réanimer leur budget mort-né et en faire un thème important de la campagne électorale.

Le budget du ministre des Finances Jim Flaherty est médiocre. Mais il contient des messages presque subliminaux, des espèces de virus politiques qui vont s'immiscer dans les débats électoraux et les colorer à l'avantage des conservateurs.

Le premier de ces messages, c'est la santé de l'économie. Le Canada a moins été frappé par la récession mondiale que ses pairs, il a retrouvé plus rapidement le chemin de la reprise, il a même récupéré tous les emplois perdus pendant la récession. Il est normal que cela joue en faveur du gouvernement sortant. D'autant plus que les conservateurs tenteront de s'en attribuer le mérite en disant que ce succès a été rendu grâce aux effets bénéfiques de leur plan d'action économique.

Le second message, c'est celui des impôts. Les conservateurs ont été des champions de la réduction du fardeau fiscal, notamment avec une baisse de deux points de la TPS, malheureuse au plan économique, mais rentable au plan politique. Le message est d'autant plus puissant que le premier ministre Harper a réussi à associer le chef libéral Michael Ignatieff aux hausses d'impôt, notamment à cause de son opposition à la baisse de l'impôt sur le revenu des sociétés.

Le troisième message, c'est la maîtrise des finances publiques, et la détermination du gouvernement à ramener le déficit à zéro le plus rapidement possible. Le thème est cependant délicat à manier, parce que l'austérité fait des mécontents. Cet enjeu risque aussi de mettre en relief le fait que le déficit zéro et le véritable redressement financier ont été réalisés pendant le règne libéral.

Si ces thèmes budgétaires donnent un avantage aux conservateurs, ils ont néanmoins leurs limites. La première tient à la tendance à l'excès du premier ministre Stephen Harper. D'abord, quand il prédit le chaos si les libéraux l'emportent. Ces derniers ont été assez longtemps au pouvoir, dans un passé assez récent, pour que ça ne tienne pas la route. Ensuite, en disant craindre qu'une campagne électorale menace la fragile reprise. Jusqu'où peut-on geler les processus démocratiques, au nom de l'économie, surtout quand on répète que celle-ci se porte à merveille? Ces excès de type républicain peuvent avoir un effet boomerang.

L'opposition, surtout libérale, dispose cependant de parades, jusqu'ici mal exploitées. Le succès économique canadien tient à une foule de facteurs qui n'ont rien à voir avec les initiatives conservatrices, notamment l'encadrement de son système financier. Et surtout, si les conservateurs ont combattu avec vigueur les effets de la récession, c'est sous la menace, parce qu'ils y ont été forcés par une éphémère coalition qui risquait de les chasser du pouvoir.

Il y a toutefois un quatrième message de nature budgétaire qui jouerait en faveur des libéraux. Il porte sur ce que le budget ne contient pas. Et c'est l'incapacité congénitale des conservateurs d'articuler une vision, d'affronter les grands enjeux, que ce soient la compétitivité de l'économie, les politiques énergétiques et environnementales, la réforme de la santé. Un annuaire téléphonique n'est pas un livre. De la même façon, ce n'est pas en additionnant un catalogue de mesures budgétaires que l'on aboutit à une stratégie.

Cette absence de vision conservatrice pourrait favoriser les libéraux, à la condition, bien sûr, que ceux-ci soient capables de proposer la leur, de l'articuler de façon stimulante et intelligible.