Le quart des Québécois n'ont pas accès à un médecin de famille. C'est un véritable casse-tête pour les responsables de notre système de santé dans leurs efforts pour déployer des soins de première ligne. Heureusement, il y a quelqu'un qui a une solution, et même une solution simple.

C'est le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette. Sa solution repose sur le fait qu'il y a une apparence de paradoxe. Il n'y a jamais eu autant de médecins généralistes au Québec que maintenant. Le syndicaliste médical en conclut que la pénurie n'existe pas. Le problème, c'est que bon nombre de généralistes travailleraient à temps partiel, notamment à cause de la féminisation de la profession et la recherche de qualité de vie des jeunes générations.

«C'est simple, a-t-il expliqué à la radio, à l'émission de Christiane Charrette. Le gouvernement a le devoir d'avoir un pacte avec la génération des moins de 50 ans. Vous vous remettrez à temps partiel à 50 ans. Mais pour les 10 prochaines années, vous donnerez le service.»

En clair, il suffit d'interdire le temps partiel, de forcer les médecins de moins de 50 ans à travailler plus d'heures. Et pfuitt! Finie la pénurie. C'est simple? Non. Simpliste. Trois choses clochent dans ce raisonnement: la prémisse, la solution et le messager.

Commençons par la prémisse. L'écart entre le nombre de médecins et l'offre de médecine de famille est loin de s'expliquer seulement par le travail à temps partiel. Il tient aussi au nombre de médecins en semi-retraite, aux tâches autres que la médecine de famille remplies par des généralistes - urgences, accouchements, soins palliatifs, santé publique -, aux 12 heures par semaine que les médecins plus jeunes doivent consacrer à des activités imposées par l'État. Ramener cela au temps partiel est réducteur.

Il est cependant exact que la féminisation de la pratique et les nouvelles valeurs ont un effet. Si les médecins plus jeunes travaillaient autant que les «docteurs» des années 60, il y aurait moins de problèmes. Peut-on pour autant arrêter l'horloge, faire comme dans le bon vieux temps, avec une solution de type soviétique, le travail forcé? Ce n'est pas acceptable ni praticable. Parlons enfin du messager. Pourquoi le patron des spécialistes se mêle-t-il du dossier des médecins généralistes, auquel il ne connaît manifestement pas grand-chose? Par sollicitude pour ses collègues omnipraticiens? Par souci du bien public?

Depuis trois mois, le président de la FMSQ a multiplié les attaques contre les omnis, a même payé une pleine page de publicité pour dénoncer leurs demandes salariales. Ça ressemble beaucoup à la croisade d'un président de syndicat tentant de protéger sa pointe de tarte, la masse salariale des spécialistes.

Il est parfaitement légitime qu'un leader syndical défende les intérêts de ses membres. Mais il y a confusion des genres. Le Dr Barrette intervient dans les débats sur la santé comme s'il était un ministre fantôme, en réserve de la république, profitant d'un vide politique, la faible présence du ministre en titre dans les débats publics. C'est un peu comme demander à un renard de planifier l'organisation d'un poulailler.

Il y a des solutions pour résoudre la pénurie: former plus de médecins pour tenir compte du nouveau contexte, encourager la pratique en groupe, quitte à tordre des bras, miser sur le travail en équipe pour permettre aux médecins de prendre en charge plus de patients, repenser les modes de rémunération.

Mais ce sont des solutions très compliquées. S'il y a une morale à cette histoire, c'est qu'il faut accepter la complexité des choses. Et quand quelqu'un vous dit que la solution est simple, ne le croyez pas!