Il y a quelques mois, la situation financière de la Grèce a secoué les marchés financiers internationaux. La crainte que ce petit pays ne puisse pas rembourser sa dette a provoqué une véritable crise, qui s'est propagée à l'Espagne et au Portugal, et a même menacé l'euro.

Il y a quelques mois, la situation financière de la Grèce a secoué les marchés financiers internationaux. La crainte que ce petit pays ne puisse pas rembourser sa dette a provoqué une véritable crise, qui s'est propagée à l'Espagne et au Portugal, et a même menacé l'euro.

La crise grecque était de la petite bière, comparée à ce qui se passe actuellement aux États-Unis. C'est l'impasse financière américaine qui devrait donner froid dans le dos. Le fait que ce pays soit incapable de s'attaquer à son déficit et de contrôler sa dette constitue une menace réelle pour la stabilité financière et la santé de l'économie mondiale. Pourtant, cette crise, véritablement monstrueuse, n'affecte pas le dollar et ne semble pas émouvoir les marchés financiers.

L'administration Obama, contrairement aux gouvernements des autres pays industrialisés, n'est pas encore à l'heure de l'austérité. Son budget pour l'année 2011-2012, déposé lundi, prévoit des dépenses de 3729 milliards de dollars. En proportion, les dépenses fédérales américaines sont nettement plus élevées qu'au Canada - 23,6% du PIB, contre 16,4% ici.

Le problème, c'est que ces dépenses ne baissent presque pas, parce que l'administration démocrate veut continuer à stimuler l'économie, que le déficit, extrêmement élevé, ne baisse pas assez vite, de 1645 à 1101 milliards. Il passerait ainsi de 10,6% à 7% du PIB, pour progressivement glisser à 3% du PIB dans cinq ans. Celui du gouvernement canadien, actuellement à 2,8% du PIB passera à 1,8% l'an prochain, soit quatre fois moins qu'aux USA. La dette américaine ne réussira pas à passer sous le niveau critique de 70% du PIB d'ici 10 ans.

Derrière ces chiffres, on retrouve la même politique de fuite en avant qui a caractérisé les politiques budgétaires et économiques américaines depuis une décennie, largement à l'origine de la crise. On continue à dépenser pour stimuler la reprise, et on compte sur la reprise pour réduire le déficit et la dette!

Le cul-de-sac est d'autant plus total qu'il se double d'une impasse politique. Le fait que les républicains soient majoritaires à la Chambre des représentants crée une paralysie. Les républicains, en principe conservateurs, n'ont pas de tradition de rigueur budgétaire. C'est Bill Clinton qui a éliminé les déficits reaganiens et c'est George W. Bush qui a replongé son pays dans le rouge. L'affrontement partisan risque donc davantage de nourrir une guerre idéologique sur les moyens à prendre et d'empêcher le pays de se doter d'orientations cohérentes.

Cette situation, pourtant très préoccupante, provoque cependant beaucoup moins de remous que les problèmes budgétaires européens, bien mieux contrôlés. Cela s'explique en partie par la vulnérabilité de petits pays comme la Grèce aux jeux de la spéculation. Mais aussi par un facteur culturel, l'europhobie, les tenaces préjugés anti-euro des marchés financiers dominés par le monde anglo-saxon.

Mais plus fondamentalement, les États-Unis ne sont pas soumis aux mêmes règles du jeu que les autres. Le dollar américain reste la monnaie de transaction et la monnaie refuge. Pour cette raison, les marchés obligataires acceptent de prêter aux États-Unis. Tant que les États-Unis réussiront sans mal à emprunter, il n'y aura pas de crise de confiance et pas de crise tout court.

Mais la confiance est une notion bien élastique. On finance les déficits américains parce qu'on n'a pas le choix, dans une dynamique qui repose sur un pacte, celui du silence, et sur un pari, celui du déni.

Il y a une loi du silence, parce que personne parmi les investisseurs et les pays qui détiennent des milliers de milliards de titres américains n'a intérêt à brasser la cage. Et une logique du déni, où l'on fait le pari que l'édifice financier américain, aussi fragile soit-il, est trop important pour s'effondrer. C'est ce qu'on disait, il y a trois ans, des grandes banques commerciales...