Tout indique que le Canada se dirige vers des élections printanières. Nous savons même quel sera le terrain d'affrontement, parce que les deux principaux partis ont annoncé leurs couleurs. Les libéraux se préparent à renverser le gouvernement sur son budget, en mars, parce qu'il prévoit des baisses d'impôt pour les entreprises, et les conservateurs ont déjà commencé à insister lourdement sur le succès de leur stratégie de sortie de crise.

Tout indique que le Canada se dirige vers des élections printanières. Nous savons même quel sera le terrain d'affrontement, parce que les deux principaux partis ont annoncé leurs couleurs. Les libéraux se préparent à renverser le gouvernement sur son budget, en mars, parce qu'il prévoit des baisses d'impôt pour les entreprises, et les conservateurs ont déjà commencé à insister lourdement sur le succès de leur stratégie de sortie de crise.

On parlera donc beaucoup d'économie. En principe, je devrais m'en réjouir. Mais je sais que le pire moment pour aborder les questions économiques est une campagne électorale. Parce que la tentation du simplisme et des raccourcis est trop grande. C'est d'ailleurs déjà commencé.

D'abord avec le bilan du gouvernement Harper. Apôtres de la non-intervention, les conservateurs ne s'intéressaient pas beaucoup aux questions économiques. La vision, les grandes stratégies, ce n'était pas leur tasse de thé. Pour eux, le rôle économique d'un gouvernement se limitait essentiellement à réduire le fardeau fiscal. Chose facile, parce qu'ils disposaient d'une confortable marge de manoeuvre, héritage du règne libéral. Cela leur a permis de baisser les impôts des sociétés et de réduire la TPS de deux points, une bourde monumentale au plan fiscal.

Et la crise est arrivée. Les conservateurs ne l'ont pas vu venir. Ensuite, leur première réaction, dans un énoncé économique déposé fin 2008, a consisté à annoncer des compressions pour éviter un déficit, ce qui aurait aggravé la récession canadienne. Cette stratégie d'une bêtise affligeante a heureusement avorté parce que les partis de l'opposition ont formé une coalition pour renverser et remplacer le gouvernement Harper.

Cette menace a forcé le ministre des Finances Jim Flaherty à piler sur ses principes et à proposer un plan de relance de philosophie libérale, reposant sur une intervention publique massive et des déficits records. Cette stratégie, bien conçue et bien gérée, a été couronnée de succès, comme le rappelait cette semaine le ministre Flaherty.

Les conservateurs pourront ainsi affronter l'électorat en affichant un bilan de sortie de crise qui mérite des éloges à travers le monde. Rappelons la recette de ce succès : un système financier bien réglementé et une situation financière saine, hérités du gouvernement précédent, une stratégie de relance keynésienne imposée par les partis d'opposition. Voilà un premier paradoxe.

Cela place en outre les libéraux dans une situation difficile puisque les conservateurs occupent maintenant le terrain qui était le leur. Michael Ignatieff a donc dû chercher un créneau, qu'il semble avoir trouvé avec son opposition aux dernières baisses d'impôt sur le profit des sociétés. Ce qui mène à un autre paradoxe, puisque la philosophie fiscale derrière ces baisses, le fait que ce type d'impôt nuit aux investissements et à la productivité, est celle du ministre libéral Paul Martin.

Le chef libéral se retrouve donc à jouer la carte de l'anticapitalisme primaire, en reprenant un cheval de bataille néo-démocrate. Mais ce qui est encore plus troublant, c'est qu'il le fait sur un mode populiste calqué sur celui des conservateurs. M. Ignatieff dénonce ce cadeau qui ne sert pas les «familles canadiennes ordinaires». Dans sa bouche, ça sonne faux. Et l'argument est réducteur. Il y a bien des choses importantes qui n'aident pas directement les «familles ordinaires», comme la recherche ou le rôle international du Canada.

Les conservateurs, avec la même logique populiste, veulent parler d'emplois, même si ce n'est pas le principal problème économique, ni le principal défi qui nous attend.

Quant aux vrais problèmes économiques du Canada - le déficit, mais surtout la vulnérabilité de notre économie et l'importance de travailler sur la compétitivité, sur l'innovation, sur la productivité - qui va en parler en campagne électorale? Personne.