Le premier ministre Charest ne cédera pas. Il ne déclenchera pas la commission d'enquête sur la construction que souhaite une forte majorité de Québécois. Ça, on le sait. Mais ce qu'on sait aussi, c'est que les solutions qu'il propose ne suffiront pas pour régler le problème, c'est-à-dire, nettoyer une industrie très malade.

Le premier ministre Charest ne cédera pas. Il ne déclenchera pas la commission d'enquête sur la construction que souhaite une forte majorité de Québécois. Ça, on le sait. Mais ce qu'on sait aussi, c'est que les solutions qu'il propose ne suffiront pas pour régler le problème, c'est-à-dire, nettoyer une industrie très malade.

Les enquêtes policières de l'opération Marteau peuvent permettre de poursuivre et de condamner des fraudeurs. Un mécanisme d'enquête permanent peut réduire les abus et avoir un effet dissuasif. Mais ces outils ne permettent pas de comprendre ce qui se passe, comme le montrait bien hier mon collègue Yves Boisvert: il a suffi que les entreprises de Tony Accurso plaident coupables à des accusations de fraude fiscale pour que les détails de la preuve ne soient pas dévoilés.

Et surtout, toutes ces approches s'attaquent à des individus, quand le problème est systémique. Ce dont on a besoin, c'est aussi d'un mécanisme qui puisse s'attaquer au système, l'exposer, l'analyser, le casser. Pour cela, il faut plus.

J'ai peut-être une solution, une approche qui permettrait de s'attaquer au système, de venir à bout de cette industrie malade, tout en permettant à Jean Charest de changer son fusil d'épaule sans trop perdre la face. On peut la résumer avec deux noms de famille: Castonguay plutôt que Gomery.

Un groupe de travail - on peut lui donner un nom plus impressionnant - comme celui qu'a présidé Claude Castonguay pour la santé, bien appuyé par des spécialistes, peut fouiller, analyser, faire un bilan, remettre un rapport étoffé et faire des recommandations. Dans le cas de la santé, elles ont fini par être entendues.

Évidemment, ce serait moins sexy qu'un show de télé. Ça ne comblera pas la soif de savoir des citoyens, ni leur voyeurisme. Pas de mafieux casseurs de jambes devant les caméras. Pas de révélations croustillantes. On accuserait les libéraux de vouloir éviter un exercice qui les compromettrait.

Par contre, on a bien vu que les résultats concrets de la commission Gomery ont été maigres. Parce qu'elle n'a pas mené à des poursuites, puisque les témoins avaient l'immunité, et parce que les talents qu'il faut pour présider une enquête publique ne sont pas ceux dont on a besoin pour analyser un système et trouver des solutions.

En outre, de tout ce qu'on a pu apprendre par bribes depuis des mois, il semble bien évident que la maladie de la construction n'est pas politique, elle est systémique. Le financement des partis politiques provinciaux n'est pas la cause première des dérèglements de la construction, ni son principal problème. Ne serait-ce que parce que les pires cas de collusion et de trafic d'influence se retrouvent au niveau municipal.

Mais surtout, parce que le mal est le produit de trois processus, qui se sont enracinés depuis un demi-siècle, et qui ne sont pas directement politiques. Premièrement, la forte présence italienne dans la construction, qui a facilité la pénétration d'une mafia particulièrement forte à Montréal. Deuxièmement, un régime syndical unique, qui gonfle les coûts et qui donne aux centrales un pouvoir considérable. Ce facteur syndical est certainement au coeur des excès de l'industrie, notamment parce que les complicités entre promoteurs et éléments syndicaux produisent un cocktail explosif. Troisièmement, les sous-produits de la culture du Québec inc., qui favorise le copinage et réduit la concurrence.

Une commission plus technique serait mieux équipée pour déchiffrer tout cela, notamment voir si nos coûts de construction sont plus élevés qu'ailleurs. Elle pourrait arriver à des solutions, pour revoir le décret de la construction, proposer des mécanismes pour gérer les contrats publics, encadrer les entreprises et augmenter la concurrence.

Est-ce qu'un tel exercice redorerait le blason de Jean Charest? Probablement pas. Mais il aiderait le Québec.