Dans les années 50, le premier ministre Duplessis s'opposait au désir du gouvernement fédéral de financer les universités, au nom d'un grand principe : le respect des compétences provinciales, qui servait aussi à masquer son obscurantisme.

Dans les années 50, le premier ministre Duplessis s'opposait au désir du gouvernement fédéral de financer les universités, au nom d'un grand principe : le respect des compétences provinciales, qui servait aussi à masquer son obscurantisme.

En 2010, c'est le même scénario qui se produit. Les universités sont l'otage d'un autre débat idéologique. Cette fois-ci, un mouvement d'opposition à une hausse des droits de scolarité au nom d'un autre grand principe : l'accès à l'éducation supérieure. Le résultat est le même, l'étranglement financier de nos universités.

Dans cette croisade contre la hausse des droits de scolarité, on retrouve la même indifférence à l'université, à son succès, à son rayonnement. Pensez-vous vraiment que la CSN et la FTQ, qui ont fait front commun avec les associations étudiantes, sont vraiment préoccupés par l'avenir de l'éducation supérieure? Il s'agit tout simplement de la même vieille bataille gauche-droite qui se déplace sur un autre front, avec les universités comme otages.

L'enjeu que soulève ce débat est réel. L'accès à l'université pour tous est un enjeu fondamental. Il faut prendre tous les moyens pour que les jeunes de milieux moins favorisés puissent faire des études universitaires. Mais la façon dont on fait un lien entre les droits de scolarité et l'accessibilité relève de la fraude intellectuelle, et trahit une conception simpliste et dégénérée de la justice sociale.

Commençons par le commencement. Le système actuel n'est pas juste. Les jeunes de milieux moins favorisés sont sous-représentés. Ceux qui sont issus des 20% des familles les plus pauvres ne comptent que pour 4% de la clientèle universitaire. Le déséquilibre est criant. Et cela mène à plusieurs conclusions.

Premièrement, la quasi-gratuité dont a longtemps joui le Québec, et maintenant des droits beaucoup plus bas que dans les autres provinces, 2200$ contre 5300$, n'ont pas permis d'ouvrir davantage les portes de l'université à ces jeunes qu'ailleurs au Canada.

Deuxièmement, cela rappelle que leur principal obstacle à leur entrée à l'université n'est pas financier, il est social : milieu familial peu ouvert à l'éducation, résultats scolaires, décrochage. Pour corriger le déséquilibre, il faut intervenir tôt, bien avant le cégep.

Troisièmement, l'expérience canadienne fournit une preuve par l'absurde. Malgré une hausse importante des droits, la croissance des inscriptions a été plus élevée qu'au Québec et le taux de fréquentation universitaire n'est pas plus bas qu'au Québec. L'argument de la barrière à l'entrée ne se vérifie pas.

Quatrièmement, la majorité des étudiants sont issus des classes moyennes. Un grand nombre d'entre eux ont les moyens de payer leurs études: 61% des étudiants ne font même pas appel au programme de prêts et bourses. Maintenir les droits de scolarité à de bas niveaux, c'est d'abord un cadeau à bien des familles qui n'en ont pas vraiment besoin. Belle distorsion des principes de justice sociale.

Cinquièmement, il est vrai que pour un jeune sans moyens, une hausse des droits de scolarité peut être un obstacle. Mais on peut éliminer cette barrière en aidant ceux qui en ont besoin. Par des prêts plus généreux et des bourses, par une modulation des droits selon les facultés pour exiger plus de ceux qui auront de forts revenus, comme les médecins, par des mécanismes de remboursement des prêts qui tiennent compte du salaire.

Sixièmement, si l'université sert la société, elle sert énormément les étudiants eux-mêmes, qui chômeront moins et gagneront plus. Au plan des principes, il n'est pas anormal que les étudiants, et leurs parents contribuent davantage à un processus qui les enrichira.

Mais tous ces arguments ne suffiront pas. Parce que le débat ne porte pas sur les faits, il porte sur un dogme. C'est difficile de se battre contre un dogme. Il faut plus que de la logique, il faut du leadership.