En santé, le grand objectif du gouvernement du Québec est le développement d'une première ligne, pour donner aux gens un accès rapide aux services, notamment un médecin de famille, et pour permettre au réseau de proposer une autre porte d'entrée que les urgences.

En santé, le grand objectif du gouvernement du Québec est le développement d'une première ligne, pour donner aux gens un accès rapide aux services, notamment un médecin de famille, et pour permettre au réseau de proposer une autre porte d'entrée que les urgences.

Du moins en principe. Dans les faits, il n'est pas clair du tout que ce soit vraiment une priorité. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, porté vers le micro-management, semble davantage sollicité par les feux qu'il doit éteindre et les interventions ponctuelles, surtout les attentes en urgence.

Bien sûr, M. Bolduc annonce de temps à autre la création d'un nouveau Groupe de médecine familiale, un GMF, comme on annonce des projets routiers. Mais on cherche en vain chez le ministre une vision de la première ligne, ou l'expression d'un sentiment d'urgence qui donneraient une cohérence à l'action gouvernementale. Résultat, le Québec est en train de rater le bateau.

Le gouvernement Charest a posé des gestes importants pour renforcer cette première ligne. Le développement des GMF, une excellente forme d'organisation. Des efforts pour réduire la pénurie de médecins, en ouvrant les portes des facultés de médecine et en accueillant plus de médecins étrangers.

Mais l'augmentation du nombre de médecins ne donnera pas de résultats immédiats. Elle ne suffira pas non plus, à elle seule, à doter chaque citoyen qui le désire d'un médecin de famille ou à réduire les délais pour obtenir les rendez-vous. D'autant plus que les nouveaux médecins sont peu attirés par la médecine familiale.

L'approche quantitative, aussi nécessaire soit-elle, a ses limites.

Il faut aller plus loin. Il ne faut pas seulement travailler sur le nombre de médecins, mais aussi sur la façon dont les médecins et les autres artisans du réseau travaillent.

La première piste, c'est d'alléger la charge de ces médecins trop peu nombreux, en confiant à d'autres certaines de leurs tâches. On l'a fait avec les infirmières cliniciennes. Certains médecins confient plus de responsabilités aux pharmaciens avec des ordonnances collectives. Mais on pourrait faire beaucoup plus dans la reconnaissance des compétences des infirmières, dans l'extension du rôle des pharmaciens. Il faudrait aussi plus d'infirmières pour épauler les médecins, un meilleur soutien technique.

L'autre grande piste, c'est le recours aux technologies de l'information et des communications. L'informatisation des dossiers médicaux permettrait de gagner du temps, de réduire les duplications, d'éviter les erreurs. Voilà pourquoi les retards du Dossier santé Québec sont une véritable catastrophe. Mais en attendant que ce réseau soit sur pied, on pourrait faire une foule de choses pour multiplier les activités en ligne : prise de rendez-vous, prescriptions, communications.

Il y a une autre piste: internet. La majorité des Québécois se servent d'internet, y compris pour la santé. En soi, c'est une excellente chose que les gens s'informent et se prennent en charge. Encore faut-il des contenus validés. Plusieurs réseaux de santé ont choisi de faire de l'information sur le web un élément central de leur première ligne. La Colombie-Britannique (www.HealthLinkBC.ca) et surtout le Royaume-Uni (www.NHSDirect.nhs.uk) ont des sites conviviaux, bien en vue, très clairement au coeur de leur offre. Le Québec dispose d'un tel outil, le Guide santé (www.guidesante.gouv.qc.ca). Mais le ministère n'exploite pas son plein potentiel, ne le met pas en valeur, ne l'a pas mis à jour depuis 2008 ! Sans doute est-ce là un dommage collatéral de la catatonie informatique qui a frappé le MSSS.

Il n'y a pas une recette magique pour véritablement créer une première ligne, mais une palette d'interventions. Elles exigeront des changements profonds dans l'organisation du réseau, dans la culture de ses artisans, dans les modes de rémunération. Elles exigeront aussi de la volonté politique. Est-elle là?