À voir le déchaînement de l'opposition du Parti québécois à l'Assemblée nationale contre la loi 115 qui permet les écoles passerelles, à voir les militants dans la rue dénoncer la même loi, on pourrait croire que nous assistons à un retour de la ferveur souverainiste.

À voir le déchaînement de l'opposition du Parti québécois à l'Assemblée nationale contre la loi 115 qui permet les écoles passerelles, à voir les militants dans la rue dénoncer la même loi, on pourrait croire que nous assistons à un retour de la ferveur souverainiste.

Et pourtant, le dernier sondage CROP, réalisé à la fin septembre, révèle plutôt que l'appui à la souveraineté est à son plus bas. À peine 32% des Québécois diraient «oui» à la souveraineté dans un référendum, 34% après répartition des indécis. Un sur trois!

N'y a-t-il pas contradiction entre la ferveur militante du PQ et ces résultats assassins? Pas du tout. Ceci explique cela. C'est l'impasse du projet souverainiste qui explique l'intensité du débat linguistique. Soit pour combler un vide, soit dans l'espoir que les peurs linguistiques - le plus puissant facteur de mobilisation au Québec - réaniment un projet qui s'essouffle.

La cacophonie des échanges sur la loi 115 s'explique en partie par le fait que le débat porte sur trois enjeux à la fois. À un premier niveau, le gouvernement Charest a recouru au bâillon pour faire adopter cette loi, ce qui ne pouvait que provoquer la fureur de l'opposition. À un second niveau, cette loi, une réponse bancale à un jugement bancal de la Cour suprême, pouvait difficilement susciter le respect.

Le plus haut tribunal a invalidé la loi 104, qui interdisait le recours aux écoles passerelles, un truc qui permettait à des parents de contourner la loi 101 en inscrivant leurs enfants à une école anglaise non subventionnée, ce qui leur ouvrait par la suite l'accès au réseau anglais subventionné. Selon la Cour suprême, la loi 104 était excessive. La réponse du gouvernement Charest, la loi 115, rétablit donc le droit de recourir aux écoles passerelles, mais en le resserrant. Le résultat est inélégant, et surtout inéquitable, parce que ce sont les citoyens plus riches qui peuvent profiter de passe-droit.

À un troisième niveau, cette loi s'inscrit dans un débat bien plus large, la santé et l'avenir du français au Québec. C'est toutefois un débat parfaitement théorique, en ce sens que l'accès aux écoles passerelles, surtout qu'il sera restreint par la loi 115, aura un impact marginal sur les équilibres linguistiques, quelques centaines d'enfants par année.

Mais le PQ, et son chef, Pauline Marois, inscrivent cet incident dans une lecture de la situation linguistique qui peut être qualifiée de catastrophiste, dominée par le spectre d'une minorisation des francophones sur l'île de Montréal.

Mme Marois s'est lancée, depuis plusieurs mois, dans une surenchère sur la langue, allant jusqu'à affirmer: «Quand on est une nation minoritaire... je crois qu'il y a toujours un risque d'assimilation.» Brandir l'épouvantail de l'assimilation est une ânerie. C'est aussi une inquiétante dérive.

Cette dérive, on la voit aussi au rapprochement du Parti québécois avec les éléments les plus radicaux de la mouvance souverainiste, les jusqu'au-boutistes de la langue, par exemple tous ces groupuscules, souvent intolérants, souvent xénophobes, qui manifestaient dans la rue lundi soir aux côtés des membres du parti qui forme l'opposition officielle.

On a assisté à un virage sur la question linguistique au Parti québécois sous la direction de Mme Marois. Sur cette question, elle est certainement la plus radicale de tous ceux qui ont dirigé le PQ. Par son ton véhément, qui tranche avec la retenue verbale et la prudence que s'imposaient ses prédécesseurs. Par son empressement à vouloir recourir à la clause dérogatoire, ce qui serait inévitable si elle abrogeait la loi 115, comme elle le promet. Par son engagement répété à renforcer la loi 101. Est-ce de cela que le Québec a besoin?