Le gouvernement Charest a enfin mis fin au cirque dont il était lui-même le scénariste en laissant tomber le processus d'appel d'offres et en choisissant directement Bombardier-Alstom pour la construction de 500 voitures du métro de Montréal.

Le gouvernement Charest a enfin mis fin au cirque dont il était lui-même le scénariste en laissant tomber le processus d'appel d'offres et en choisissant directement Bombardier-Alstom pour la construction de 500 voitures du métro de Montréal.

Il était plus que temps. Depuis quatre ans de gaffes, de volte-face et de démêlés judiciaires, on oscillait d'un pôle à l'autre. Fallait-il respecter les règles du jeu du commerce mondial et lancer un appel d'offres international pour ces wagons, ou fallait-il favoriser l'entreprise locale qu'est Bombardier?

Ayons un peu de sens commun. Est-ce que ça a du sens que les Montréalais roulent dans des wagons espagnols quand le Québec a la chance de pouvoir compter sur un des géants mondiaux en la matière?

Au plan économique, il faudrait arrêter de se tirer dans le pied. C'est la moindre des choses que le Québec défende ses intérêts nationaux en soutenant dans la mesure du possible l'un des rares géants industriels sur lequel il peut compter.

Le fond de l'histoire, c'est qu'on comprend mal les enjeux économiques dans ce dossier. Il ne s'agit certainement pas de se limiter à s'assurer du contenu québécois des futurs wagons. N'importe quel soumissionnaire sera capable de construire ici une usine d'assemblage. Ce n'est pas non plus seulement une question d'emplois, le message qu'envoyaient hier les membres du gouvernement Charest en annonçant leur décision, plantés devant l'usine de Bombardier à La Pocatière, comme s'ils étaient en campagne électorale.

Sortons du folklore des années 70. Le véritable enjeu, c'est d'aider une entreprise québécoise à poursuivre son développement technologique et maintenir sa position dominante à l'échelle mondiale.

Mais comment concilier cet impératif avec nos obligations? Le recours à des appels d'offres internationaux pour des contrats publics repose sur un grand principe: la réduction du protectionnisme permet une plus grande concurrence, et donc de meilleurs prix et une meilleure qualité. Cela encourage également la réciprocité: pour avoir accès aux marchés des autres, il faut leur ouvrir les nôtres. Voilà pour la théorie.

En procédant par entente de gré à gré avec le consortium Bombardier-Alstom, plutôt que par appel d'offres, le Québec court cependant deux risques. En supposant que, cette fois-ci, le gouvernement, au plan légal, soit en terrain solide.

Le premier risque, c'est de payer trop cher. Mais les processus d'appel d'offres ne sont pas infaillibles et n'excluent pas les distorsions, comme on le voit à la prétention pas très crédible du groupe espagnol écarté, CAF, de pouvoir produire des voitures deux fois moins cher. Il y a d'autres mécanismes pour déterminer un juste prix, comme le recours à des évaluations indépendantes, ou encore des négociations musclées. Les deux approches semblent avoir été utilisées dans ce dossier.

L'autre danger, c'est que le Québec ou des entreprises québécoises soient à leur tour pénalisés dans l'obtention d'éventuels contrats à l'étranger. Oublions les affaires «d'image du Québec». C'est une question d'évaluation des risques. Quand le Québec a voulu donner le contrat à Bombardier sans appel d'offres, il a reculé parce que les vives réactions françaises auraient pu coûter cher, et Bombardier a dû s'associer à son concurrent Alstom. Dans le cas présent, il est fort possible qu'une colère hispanique ait beaucoup moins de conséquences.

Sur le plancher des vaches, le commerce international repose sur un principe de réalité où règnent le deux poids deux mesures, le cynisme et l'hypocrisie. La plupart des pays tentent d'obtenir l'accès maximum aux marchés étrangers en protégeant le leur le plus possible. À moins de sombrer dans l'angélisme, la question n'est pas de savoir où sont le bien et le mal, mais jusqu'où on peut aller sans se faire taper sur les doigts.