Le fait que, dans ses premiers pas, la commission Bastarache en arrache tant, tient moins à la commission elle-même, ou à son mandat, ou à sa direction, qu'au contexte politique général qui prévaut au Québec. La dynamique malsaine entre un gouvernement libéral usé et une opposition péquiste hystérique a transformé le débat politique en lutte dans la boue. Cette boue éclabousse le commissaire et sa commission.

Le fait que, dans ses premiers pas, la commission Bastarache en arrache tant, tient moins à la commission elle-même, ou à son mandat, ou à sa direction, qu'au contexte politique général qui prévaut au Québec. La dynamique malsaine entre un gouvernement libéral usé et une opposition péquiste hystérique a transformé le débat politique en lutte dans la boue. Cette boue éclabousse le commissaire et sa commission.

Les égarements de ce débat compromettent les résultats d'un exercice qui, malgré ses limites, pourrait être utile. Ils nous font également oublier des principes élémentaires du fonctionnement de la démocratie dans une société comme la nôtre.

Il faut se souvenir pourquoi l'opposition péquiste a dénoncé avec tant de vigueur la création de cette commission. Elle voyait dans cette décision improvisée un expédient qui permettait au premier ministre Charest de désamorcer une crise provoquée par les déclarations fracassantes de l'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare sur la nomination des juges. Et surtout, elle y voyait un stratagème pour éviter de tenir une commission beaucoup plus large sur la construction et sur le financement des partis politiques.

Mais la portée limitée de cette commission ne la rend pas illégitime pour autant. Il y a eu des allégations sérieuses sur la nomination des juges, qu'il faut fouiller. Cela se marie mal avec la problématique très vaste du financement, qui va des places de garderies aux pratiques politiques des ingénieurs-conseils, en passant par les cadeaux à la FTQ-Construction.

Dans le feu du débat, on a aussi oublié certaines vérités élémentaires. Le déclenchement d'une commission d'enquête est toujours un geste politique, pour désamorcer une crise, régler un problème, valider des orientations. Quand Paul Martin a annoncé la tenue de la commission Gomery, c'est lui qui en a défini le mandat et choisi le président. Nous vivons dans un système où c'est le gouvernement élu qui gouverne. Et qui paie éventuellement pour ses erreurs en affrontant l'électorat.

L'idée, suggérée par le PQ, de confier la définition du mandat de la commission au vérificateur général est un véritable non-sens. À force de tout vouloir confier à des organismes indépendants, on en vient à vouloir dépouiller les élus et l'exécutif de ses responsabilités. Dans cette autre manifestation du culte des vérificateurs, on oublie que ceux-ci n'ont aucune forme de compétence pour aborder une question comme celle-là.

Je ne comprends d'ailleurs pas comment on a pu conclure que le juge Bastarache ne pourrait pas se pencher sur le financement politique s'il affecte la nomination des juges. Son mandat est «d'enquêter sur les allégations formulées par Me Marc Bellemare concernant le processus de nomination des juges de la Cour du Québec, des cours municipales et au Tribunal administratif du Québec, notamment au regard des allégations d'influence de tierces personnes dans ce processus». Si je sais lire, les pressions de donateurs sont certainement une forme «d'influence de tierces personnes».

Les interventions de Marc Bellemare ont également contribué aux dérapages politiques. Comment ce populiste incontrôlable a-t-il pu être nommé ministre de la Justice, lui qui prône maintenant une forme de désobéissance civile en refusant de se présenter à une commission qui a un statut judiciaire ? Il préférait parler devant une commission parlementaire qui aurait été un cirque partisan désordonné. On en vient à soupçonner que Me Bellemare craint qu'un exercice rigoureux d'enquête ne crève la balloune qu'il a gonflée.

Le climat de cirque politique a fait que l'on a réagi trop vite et trop fort. Car c'est à la tenue de ses audiences et à la teneur de ses conclusions que l'on pourra juger la commission Bastarache. Et si elle n'est pas à la hauteur des attentes, le gouvernement Charest en paiera le prix.