La rumeur veut que Jean Charest se prépare à un remaniement ministériel. Ce serait dans l'ordre des choses. Le premier ministre a manifestement besoin de faire des gestes pour redonner un élan à son gouvernement pour le remettre sur les rails et lui permettre de retrouver un minimum de popularité. Mais un remaniement ne suffira pas si les libéraux ne règlent pas le problème qui les hante depuis un an, le parfum de scandale qui entoure l'industrie de la construction.

Jean Charest a voulu éviter à tout prix une commission d'enquête sur la construction, un exercice imprévisible qui risquait de nuire davantage aux libéraux qu'à leurs adversaires péquistes. Le premier ministre a fait le pari que son opposition à une enquête, fort impopulaire, serait moins coûteuse politiquement que la tenue d'une commission. La suite des événements a montré que ce calcul était faux. Il ne faudrait pas faire la même erreur deux fois.

 

Je crois fermement, comme à peu près tout le monde, qu'une telle commission est dans l'intérêt public, pour nettoyer ce qui semble être un véritable cancer. Je note aussi les réticences du gouvernement. Il y a, à mon avis, une solution de compromis. Et c'est de circonscrire le mandat d'une commission, pour qu'elle porte essentiellement sur les dysfonctionnements de l'industrie de la construction. Et de traiter séparément - et autrement - la question du financement des partis politiques. Il y a de puissants arguments pour procéder ainsi.

Bien sûr, les liens sont évidents entre les deux dossiers. L'industrie de la construction est très présente dans le financement des partis politiques, occulte ou non. Elle recherche les faveurs du pouvoir politique. Mais les irrégularités dans le financement, le favoritisme, les retours d'ascenseur existent dans une foule de secteurs autres que la construction. Il y a d'autres façons de se mettre dans les bonnes grâces d'un gouvernement que les contributions en argent. Et il y a d'autres façons de récompenser les amis que l'attribution de contrats publics.

Si on veut assainir nos moeurs politiques, la meilleure approche, ce n'est pas une enquête classique, mais une réflexion sur la meilleure façon de modifier nos lois et nos institutions, sur l'équilibre à trouver entre le financement public et le financement populaire. Pour cela, on a besoin de politologues, pas de procureurs.

Quant à la construction, il est clair que c'est une industrie malade. Nous payons probablement plus cher que nous le devrions pour nos routes et nos équipements collectifs, ce qui est une forme de détournement des fonds publics. Tout indique aussi que les coûts de construction sont également plus élevés pour le secteur privé, ce qui constitue un obstacle au développement économique.

Est-ce à cause du financement des partis politiques? Ce n'est qu'un élément parmi d'autres, sans doute même un élément mineur. Pensons d'abord à un régime syndical étouffant qui a mené à des abus, à une absence de concurrence, à des pratiques illégales comme la fixation des prix et la collusion, au travail au noir, à la proximité d'éléments criminels.

Le gros des irrégularités et des cas de corruption semble être survenu au niveau municipal et n'a rien à voir avec la chicane PQ-PLQ qui mobilise l'attention. Dans bien des cas, les responsables sont des fonctionnaires plutôt que des élus. De nombreux abus, la présence des motards ou de la mafia, le terrorisme syndical ou la collusion entre entrepreneurs pour court-circuiter les appels d'offres ne sont pas des sous-produits des pratiques politiques.

Tout cela mène à conclure que la question du financement des partis politiques n'est pas la meilleure grille pour aller au fond des choses dans l'industrie de la construction.