Le premier ministre Harper s'est rendu en Europe pour tenter, sans succès, de convaincre le président français Nicolas Sarkozy et le premier ministre britannique David Cameron d'abandonner leur idée d'imposer une taxe sur les banques.

Le premier ministre Harper s'est rendu en Europe pour tenter, sans succès, de convaincre le président français Nicolas Sarkozy et le premier ministre britannique David Cameron d'abandonner leur idée d'imposer une taxe sur les banques.

Quelle mauvaise bataille! Bien sûr, elle est bien accueillie au Canada, par les milieux financiers, ainsi que par une opinion publique, surtout dans la famille politique conservatrice, spontanément opposée à des hausses de taxes.

Mais cette croisade va isoler le Canada. Si M. Harper peut compter sur l'Inde, le Brésil et la Chine, des pays qui ne se distinguent pas par leur leadership international, il se coupera de ses alliés naturels, les États-Unis, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Union européenne, tous en faveur de la taxe. Et il mettra encore une fois le Canada dans une position où il contribue à faire dérailler un accord international, comme à Copenhague.

Pourquoi le Canada est-il contre? Cette taxe vise à constituer un fond qui pourrait permettre d'intervenir en cas de crise pour éviter des dérapages comme ceux que nous avons connus. Comme son système bancaire a bien tenu le coup pendant la crise et qu'il n'a pas eu à renflouer ses banques, le Canada ne veut pas appuyer une mesure dont il n'a pas besoin.

C'est exact. Mais quand on enlève les fioritures, l'argument canadien n'est rien d'autre qu'une expression du syndrome «pas-dans-ma-cour». Le Canada défend ses intérêts immédiats. Et cela pose un problème majeur. Si chaque pays s'oppose aux mesures qui ne répondent pas à ses besoins spécifiques, aucune intervention commune internationale n'est possible. Le leadership et la vision, c'est de pouvoir s'élever au-dessus des considérations nationales.

L'opposition canadienne à cette taxe, qui a pris des accents militants, peut contribuer à l'échec du seul effort international sérieux pour mettre au point des mécanismes de protection contre une autre crise. Cette taxe n'est pas une solution magique, loin de là, mais c'est tout ce qu'il y a sur la table. Il faudrait beaucoup plus que cela, comme des règles pour assurer la solidité du bilan des institutions financières, des mécanismes de surveillance internationaux. Mais si on ne réussit pas à faire le premier pas, il sera difficile de faire les suivants.

On reproche bien des choses à cette taxe. Notamment, la crainte que les pays qui l'appuient soient surtout intéressés à trouver des revenus pour régler leurs problèmes financiers. Pourquoi pas? La crise de l'euro a montré à quel point il est important que les pays endettés prennent tous les moyens possibles pour assainir leurs finances.

Il est vrai que cette taxe comporte un élément punitif, parce que les banques ont joué un rôle important dans la débâcle financière, et que plusieurs pays ont dû les renflouer à grands frais. Cela ne doit pas s'appliquer au Canada.

Mais ici, on peut invoquer un argument d'équité. Si nos banques ont résisté à la crise, ce n'est pas grâce à leur gestion ou à leur vision, mais parce qu'elles sont soumises à un cadre réglementaire rigide, qu'elles ont d'ailleurs souvent combattu.

Ce cadre comporte un coût. Il réduit la concurrence, assure aux banques une rente de situation qui gonfle leurs profits. Qui paie la note? Les citoyens et les entreprises, en payant plus cher pour le crédit et les services bancaires. Une taxe serait un juste retour d'ascenseur.

Surtout quand on sait que le Canada a un déficit à éliminer, que les banques, avec leurs profits, ont les moyens de payer, et que cette taxe, parce qu'elle s'appliquerait aussi dans les autres grands pays industrialisés, n'affaiblirait pas leur capacité concurrentielle. On n'a pas à pleurer pour les banques.