Dans son dernier budget, le gouvernement ontarien de Dalton McGuinty a donné un grand coup en s'attaquant aux ristournes que les compagnies de médicaments génériques versent aux pharmaciens. La réduction du prix des médicaments qui en résulte pourrait faire économiser 500 millions à la province voisine.

Dans son dernier budget, le gouvernement ontarien de Dalton McGuinty a donné un grand coup en s'attaquant aux ristournes que les compagnies de médicaments génériques versent aux pharmaciens. La réduction du prix des médicaments qui en résulte pourrait faire économiser 500 millions à la province voisine.

Le gouvernement du Québec va profiter, par la bande, de cette mesure. Comme sa politique du médicament prévoit que le Québec paie aux pharmaceutiques le prix le plus bas payé au Canada, l'initiative ontarienne pourrait permettre ici une économie annuelle d'environ 300 millions par année. Ce n'est pas rien.

On peut se demander pourquoi le Québec, avec sa situation financière précaire et son coûteux programme d'assurance médicaments, n'y avait pas pensé tout seul. Pourquoi a-t-il fallu que l'Ontario fasse le travail?

Mais les choses sont plus compliquées que ça. L'initiative ontarienne est attrayante, mais elle aura des effets pervers. Elle réduira le revenu des pharmaciens de façon importante, ce qui risque de les amener à réduire leurs services. Ce n'est vraiment pas la chose à faire. Nous avons besoin des pharmaciens. La remise en cause des ristournes ne devrait pas servir à les pénaliser, mais plutôt à définir avec eux un nouveau pacte.

Rappelons comment tout cela fonctionne. Les médicaments d'origine sont ceux que mettent au point les compagnies dites innovatrices. Ils sont protégés par des brevets. Quand ceux-ci arrivent à échéance, au bout de 15 ans au Québec, - plus qu'ailleurs au Canada parce que nous respectons les normes internationales de propriété intellectuelle pour soutenir notre industrie pharmaceutique - il devient légal de les copier. Mais pour encourager les pharmaciens à proposer aux patients ces équivalents moins coûteux, les compagnies génériques versent des ristournes aux pharmaciens, ce qui gonfle le prix de ces produits.

En Ontario, les génériques se vendent à 50% du prix des médicaments d'origine. En éliminant les ristournes, on pense les ramener à 25%. La même chose existe au Québec, où le prix des génériques est à 54% du prix d'origine. Mais ici, le système des ristournes est encadré. Elles sont limitées à 20% du prix, et leur produit doit être affecté à des utilisations précises, comme la formation, l'achat d'appareils.

Cette pratique est néanmoins un non-sens. On ne devrait pas avoir besoin de ristournes. Une fois que la période d'exclusivité des brevets a été respectée, il serait normal d'encourager l'utilisation des médicaments génériques moins coûteux. Le régime d'assurance médicaments a coûté 2,3 milliards de dollars du trésor public en 2009, et les Québécois consomment plus de médicaments que la moyenne canadienne, soit 879$ par personne contre 756$, sans doute à cause de ce régime universel. En toute logique, c'est le gouvernement qui devrait privilégier les génériques, et les pharmaciens devraient le faire spontanément, sans avoir besoin de cadeaux.

Mais ce n'est pas parce qu'on veut éliminer une pratique commerciale malsaine qu'il faut pour autant punir les pharmaciens. Le Québec connaît une grave pénurie de médecins de famille et doit trouver des façons de réduire les pressions qui s'exercent sur les généralistes. Les pharmaciens peuvent y contribuer.

Une étude de l'Association des pharmaciens de l'Ontario estime que l'élargissement du rôle des pharmaciens dans leur champ de compétence, comme l'accompagnement de maladies chroniques comme l'asthme et le diabète, le renouvellement des prescriptions, le traitement d'affections mineures, pourrait réduire le nombre de visites chez les médecins de 1,3 million par année, et permettre des économies annuelles de 100 millions.

En poussant les pharmaciens à arrondir leurs fins de mois en vendant des croustilles et du mascara, on gaspille littéralement leur talent. Ce sont des professionnels de la santé, souvent les seuls auxquels les citoyens ont accès. Le Québec devrait repenser leur rôle dans notre système de santé.