Le budget que le ministre des Finances, Raymond Bachand, déposera demain, sera un moment de vérité. En raison de la gravité de l'enjeu immédiat, la réduction de l'important déficit provoqué par la récession. En raison de l'urgence, aussi. Pour maîtriser les finances et donner un élan à l'économie, c'est maintenant qu'il faut commencer à faire des choses que les gouvernements du Québec ont jusqu'ici remises à plus tard.

Est-ce que le gouvernement libéral sera à la hauteur du moment? Après avoir multiplié des messages équivoques, le premier ministre Charest, la semaine dernière, a parlé de budget charnière, de budget capable de construire l'avenir. Est-ce que ce sera le cas? Je n'en sais rien. Je ne suis pas dans le secret des dieux. Cette chronique ne porte pas sur ce que contiendra le budget, mais plutôt sur ce qu'il devrait contenir pour être véritablement le budget dont le Québec a besoin.

 

Le premier défi, ce sera évidemment de ramener à zéro un déficit qui, sans interventions, atteindrait 13,6 milliards en 2014. C'est une tâche considérable. De ce côté, aucun suspense. Il est certain que le budget annoncera l'élimination du déficit d'ici quatre ans. La loi l'impose. Le gouvernement y croit. Par contre, il faudra regarder de près la crédibilité du processus. Les prévisions sur quatre ou cinq ans sont hasardeuses, car il est facile de surestimer l'effet de la croissance sur les revenus ou d'être trop optimiste sur la capacité de limiter les dépenses, comme ce fut le cas récemment à Ottawa et à Queen's Park.

Le second défi, c'est le comment. Il n'y a pas mille façons d'éliminer un déficit: on augmente les impôts ou on réduit les services, comme l'a bien dit l'ex-gouverneur de la Banque du Canada David Dodge à la rencontre des libéraux fédéraux. Il faut trouver un juste équilibre entre les ponctions et les compressions. Dans le cas du Québec, il est important de mettre l'accent sur les dépenses pour trouver des solutions durables au déséquilibre des finances publiques.

Il faut aussi regarder le type de fiscalité. À cet égard, le gouvernement semble avoir fait son lit, en privilégiant sagement le déplacement du fardeau fiscal vers les taxes à la consommation, avec une hausse de deux points de pourcentage de la TVQ, et un recours accru aux tarifs, en vertu du principe de l'utilisateur payeur.

Du côté des dépenses, M. Charest a promis un ménage dans sa propre cour. Bravo. Mais même si cela est important sur le plan symbolique, il n'y a pas beaucoup d'argent à aller chercher dans la lutte contre le gaspillage, avant de toucher aux services eux-mêmes. Mais cet effort ne sera pas crédible si on ne s'attaque pas aux coûts de nos infrastructures, et donc à la construction.

La limitation de la croissance des dépenses m'apparaît en outre difficile sans regarder de plus près les grands postes qui comptent pour presque la moitié du budget, l'éducation et, surtout, la santé. Ce qui, en toute logique, appelle des réformes majeures.

Le retour à un équilibre durable ne sera pas davantage possible si on continue à traîner notre troupeau de vaches sacrées, la longue série de gels et de droits acquis qui incarnent à tort le modèle québécois: frais fixes uniformes des CPE ou des droits de scolarité universitaires, gel identitaire des tarifs d'électricité.

En toile de fond, il faudra aussi donner à l'économie québécoise le souffle qu'elle n'a pas, pour créer une richesse sans laquelle on ne pourra sans doute pas résoudre tous ces problèmes.

Pour coiffer le tout, comme la plupart de ces mesures nécessaires seront, on s'en doute, impopulaires, le défi budgétaire du gouvernement Charest se double d'un défi politique. Et il est colossal.