La semaine dernière, j'ai vécu une petite aventure transactionnelle qui illustre à merveille ce que sont devenus nos Noëls, et ce qu'est devenue la planète.

Comme bien des parents, nous offrirons cette année un iPod touch à notre fille de 12 ans. J'aurais pu l'acheter au magasin, mais j'ai préféré le faire directement sur le site d'Apple. Pourquoi? Parce que je suis à l'aise avec les transactions en ligne, parce que je pouvais ainsi éviter le trafic et la cohue pour cet achat d'assez dernière minute, et parce qu'on a alors droit à un emballage-cadeau et qu'on peut faire graver sur le bidule le nom de l'heureux propriétaire.

 

J'ai passé ma commande lundi, il y a 10 jours, mais j'ai ensuite eu une petite inquiétude. Même si on me promettait la livraison en six jours ouvrables, est-ce que je pouvais être bien certain que le cadeau arriverait à temps pour Noël? Le jeudi matin, j'ai donc vérifié où était rendue la chose, ce que l'on peut maintenant faire parce que les sites transactionnels des compagnies de livraison permettent de suivre presque pas à pas les pérégrinations d'une lettre ou d'un colis.

J'ai été très surpris. J'ai passé ma commande le lundi midi. Le lundi soir, elle était déjà en traitement à Shanghai! Le jour même, un travailleur chinois s'assurait que le nom de mon enfant soit bien gravé sur le iPod touch et une imprimante chinoise débitait une petite carte qui disait: «Joyeux Noël Charlotte, de papa et maman».

Le mardi matin, le paquet quittait déjà la Chine pour Anchorage, en Alaska. Le mardi soir, il partait d'Anchorage pour arriver au début de la nuit de mercredi à Louisville, au Kentucky, l'aéroport qui sert de «hub» au géant du transport international qu'est UPS, pour repartir rapidement vers Mount Hope, près de Hamilton, en Ontario, où il parvenait mercredi matin. Le mercredi soir, le cadeau quittait l'Ontario en camion pour arriver à Lachine, le jeudi matin. Le jeudi midi, trois jours plus tard, ding-dong! Il était rendu à la maison.

Voilà une petite histoire à laquelle on peut donner une foule de traitements. Évidemment, surtout quelques jours après Copenhague, certains seront horrifiés par l'empreinte carbonique laissée par ce petit joujou. Tous ces avions qui font le tour du monde! L'empreinte carbonique est devenue l'argument passe-partout, d'autant plus pratique que l'on peut calculer n'importe quoi n'importe comment. N'oublions pas que le poids et le volume sont des facteurs importants dans l'empreinte carbonique laissée par le transport. Et n'oublions pas que la plupart de nos produits de consommation viennent de l'autre bout du monde. Les iPod ne poussent toujours pas dans les campagnes québécoises.

L'autre réaction, la mienne, c'est d'y voir une petite fable sur la mondialisation, fascinante et horrifiante à la fois. Cette simple transaction illustre parfaitement en quoi les nouvelles technologies de l'information et des communications ont bouleversé l'ordre économique en facilitant l'éclatement de la production et de la distribution.

Le résultat final, avec ses menaces et ses promesses, c'est une contraction du temps et de l'espace, un rapetissement de la planète et une accélération des choses.

On peut faire une troisième lecture de ce petit incident. Et c'est de nous suggérer des indices qui permettront peut-être, un jour, de percer l'un des mystères qui préoccupent le plus les enfants lorsqu'ils se mettent à raisonner. Comment le père Noël réussit-il à distribuer, presque en même temps, tant de cadeaux, à tant d'enfants, dans tant de pays?

Si Apple et d'autres géants mondiaux réussissent ces tours de force grâce à l'électronique, les pouvoirs surnaturels du père Noël permettent très certainement d'arriver aux mêmes résultats.