Les signes montrant que la récession se termine se sont multipliés ces dernières semaines. La Banque du Canada a annoncé la fin de la récession. Le Fonds monétaire international arrive à la même conclusion pour l'économie mondiale. Le Trésor américain aussi. L'OCDE note que l'économie s'est stabilisée au second trimestre, et que certains pays, comme la France et l'Allemagne, ont déjà renoué avec la croissance.

Bref, on peut le dire. Nous sommes en train de nous en sortir. On peut aussi conclure que, dans un pays comme le Canada, la catastrophe annoncée n'a pas eu lieu. Cette récession, quoique sévère, a été moins longue et moins profonde que ce que l'on pouvait craindre.

 

Et pourtant, ces signaux positifs ne sont pas accueillis par un concert d'applaudissements. On ne veut pas s'emballer parce que la fin de la récession n'annonce pas la fin des problèmes. Le concept de reprise a un sens précis et limité. Cela signifie que l'économie cesse de reculer et qu'elle retrouve le chemin de la croissance. Mais on entre dans une période de rattrapage, qui peut être longue. La récession a laissé des cicatrices qui prendront du temps à disparaître, notamment le chômage. La crise financière, à l'origine de la récession, imposera des restructurations difficiles. L'économie est donc encore aux soins intensifs.

Mais un autre facteur peut expliquer la prudence, sinon le scepticisme avec lequel sont accueillies les bonnes nouvelles économiques. Il s'agit d'un trait intéressant de la psychologie humaine, la tendance à projeter le présent dans l'avenir, le réflexe de croire que la situation présente se perpétuera et la difficulté à imaginer que les choses puissent être différentes de ce qu'elles sont maintenant. Cela a joué de deux façons, dans les deux sens.

À l'automne dernier, la plupart des spécialistes, des organismes internationaux, des gouvernements n'ont pas vu la récession venir et surtout, n'ont pas prévu son ampleur. Encore euphoriques, ils ne croyaient pas que les années de prospérité pouvaient prendre fin et ils pensaient que l'économie pouvait résister au choc de la crise financière.

Dans un mécanisme similaire, on n'a pas voulu voir la reprise quand les signes de revirement se sont manifestés. La morosité dominante empêchait de voir ces signaux. On a alors oublié que les cycles économiques jouent dans les deux sens, et que si les baisses peuvent être brutales, les remontées peuvent aussi être rapides.

Les textes que j'ai écrits sur la récession reflètent cette dynamique. Je suis de ceux qui ont fait preuve d'un optimisme excessif. Sur la foi des prévisions économiques, j'ai cru que le Canada pourrait échapper à la récession, ou subirait, au pire, un recul léger.

Par contre, je n'ai pas succombé à la deuxième tentation. Et j'ai cru assez rapidement que la récession serait moins profonde que ce que l'on pouvait craindre et la reprise plus rapide. En mars, quand ça allait vraiment mal et qu'on se demandait quand arrêterait la dégringolade, j'ai écrit que le pire était « maintenant «. En juin, j'ai écrit sur la reprise qui était à nos portes. Les chiffres étaient là, mais la plupart des spécialistes, échaudés par leurs erreurs de l'automne, n'osaient pas le proclamer.

Encore maintenant, bien des gens ne veulent pas se laisser emporter par l'optimisme, craignant que cela nous amène à sous-estimer les risques qui pèsent sur l'économie et que cela nous rende insouciants. Je crois plutôt que l'optimisme est un état d'esprit sain, qui casse la morosité et qui nous donne l'énergie pour affronter les problèmes très nombreux qui nous attendent dans le processus de retour à la santé économique.