Il n'y a pas que l'industrie touristique à avoir été affectée par un été exécrable jusqu'à tout récemment. La météo a également malmené l'industrie du porc. Moins de soleil, moins de barbecues. Moins de barbecues, moins de côtelettes.

La baisse de la demande a fait en sorte que le prix du porc n'a pas augmenté comme d'habitude en saison estivale. Cela s'est ajouté aux autres tuiles qui se sont récemment abattues sur cette industrie déjà mal en point: l'impact de la grippe porcine sur les exportations, la montée du dollar canadien, de nouvelles règles d'origine dans l'étiquetage aux États-Unis.

 

Les prix, d'environ 1,30$ le kilo, au lieu de monter à 1,50$, sont plutôt tombés à 1,06$, bien moins que les coûts de production. Tout cela a mené le ministre canadien de l'Agriculture, Gerry Ritz, à proposer un plan d'intervention: campagne de marketing international, soutien financier, et surtout, 75 millions pour encourager des agriculteurs à abandonner la production porcine.

Est-ce que ce programme pourrait avoir un impact sur le Québec? Très improbable, parce que le Québec vit sur une autre planète. Dans l'ensemble canadien, à cause de toutes ces difficultés, 3300 producteurs ont abandonné le porc depuis 2006. Au Québec, depuis 2007, il n'y a eu que 9 départs!

Cette anomalie tient à la nature de nos politiques agricoles. Le programme d'Assurance stabilisation des revenus agricoles verse aux agriculteurs la différence entre le prix du marché et le coût de production. Parce qu'ils sont protégés quand une production n'est pas rentable, ceux-ci sont insensibles aux messages du marché et n'ont aucune raison d'abandonner la production porcine.

J'ai déjà écrit là-dessus et j'y reviens. Parce que c'est une grosse industrie. Au Québec, il y a plus de cochons que d'humains. Et parce que son soutien nous coûte une petite fortune. Un demi-milliard l'an dernier. Peut-être autant cette année.

Mais il est difficile d'en parler, parce qu'on s'attaque à des vaches sacrées. Dans une chronique, fin mai, je décrivais ce que je viens de résumer, en m'appuyant sur le rapport remis au gouvernement Charest par Michel St-Pierre, ancien sous-ministre de l'Agriculture, qui propose une réforme radicale des mécanismes de soutien. Et je me suis fait tomber sur la tomate par trois anciens ministres de l'Agriculture, les péquistes Jean Garon et Rémy Trudel, et le libéral Yvon Picotte, qui ont joint leurs voix pour dénoncer les réformes proposées.

Dans une lettre d'un simplisme désolant, les trois «ex» dénonçaient le «néolibéralisme débridé», affirmaient qu'on voulait la tête des agriculteurs, suggéraient que la ville veut laisser tomber la campagne etc. Bref, critiquer le modèle, c'est vouloir la mort des agriculteurs.

En fait, j'avais commis une erreur. Quand un débat est religieux, il faut faire des professions de foi. Redire que l'agriculture est nécessaire. Rappeler qu'il faut la soutenir, par solidarité, parce que les autres pays le font, pour tenir compte de notre nordicité, parce que nous avons besoin d'un secteur agricole fort. Le débat, ce n'est pas s'il faut, oui ou non, soutenir les agriculteurs. Mais plutôt comment il faut le faire. Comment s'assurer que les sommes considérables que nous consacrons assurent l'épanouissement de l'agriculture au lieu de contribuer à sa sclérose.

Mais pour que les réformes nécessaires voient le jour, il faudra du leadership. Rien ne changera tant que les ministres de l'Agriculture ne seront que des porte-voix du milieu, et du monopole corporatiste de l'UPA, dont la fonction première semble être de récolter des voix dans les comtés ruraux. Ce sera là le grand défi du nouveau ministre de l'Agriculture, Claude Béchard.