La guéguerre des festivals n'aurait sans doute pas eu lieu si les organisateurs des FrancoFolies avaient annoncé le déplacement de l'événement à un autre moment qu'au coeur du mois d'août. L'absence de nouvelles dans la torpeur de l'été a transformé en affaire d'État un conflit parfaitement insignifiant.

Sur le fond, il n'y a pas grand-chose à dire. Les FrancoFolies sont déficitaires. Spectra, l'entreprise culturelle qui organise cet événement à but non lucratif, estime que le déplacement au début juin, juste avant le Festival de jazz, en permettant la mise en commun des installations, réduira les coûts. Ce déplacement a l'avantage d'allonger la saison festivalière et, en quelque sorte, de faire commencer l'été plus tôt.

 

Ça semble gagnant. Sauf que Québec et son Festival d'été ont bondi. Pourtant, les FrancoFolies n'empiéteront pas sur l'horaire du festival de la capitale. Bien au contraire, le déplacement lui permettra de régner seul sur le mois de juillet. Où est alors le problème? Le mois de juin constituerait une plage idéale pour attirer des artistes français. Les FrancoFolies pourraient faire une meilleure récolte d'artistes, ce qui affecterait potentiellement le Festival d'été. C'est très ténu, surtout quand on constate que la programmation du Festival d'été comporte peu de «gros noms» français. La chose est agaçante, tout au plus, mais ne compromet certainement pas la vocation francophone du festival.

Mais ce petit conflit a servi de révélateur à certains travers bien enracinés de la culture québécoise. D'abord, le fait qu'il y avait un grand absent dans le débat: le public, les citoyens qui vont voir des spectacles et qui, par leurs impôts, paient les subventions. Les réactions courroucées du Festival d'été, de celui de Tadoussac, de la Fête nationale étaient celles d'organismes subventionnés qui protègent leurs plates-bandes et qui défendent le statu quo. Sans se demander si les Québécois, qu'importe leur provenance, seraient contents, en profitant d'une programmation potentiellement plus riche et d'une saison festive qui commence plus tôt.

Ce qui ressortait également, c'est l'anticapitalisme rampant. Le maire de Québec, Régis Labeaume, a accusé le patron de Spectra de vouloir se mettre de l'argent dans ses poches. Oublions les attaques personnelles, un trait déplorable de la vie publique de la capitale. Le maire a surtout ouvert la porte à l'expression de préjugés bien enracinés, encore plus vifs dans le monde de la culture, où privé, promoteur et profit sont des gros mots qui forment un PPP infernal.

Cette méfiance du privé a donné lieu à une autre dérive. Un raisonnement qui consiste à dire que, puisque tous les festivals sont subventionnés, l'État doit jouer un rôle d'arbitre, quitte à couper les vivres aux FrancoFolies. Subventionner, ce n'est pas gérer. Il faut laisser l'imagination et l'émulation s'exprimer. Est-ce que tout irait bien mieux si les festivals étaient gérés par le ministère de la Culture?

L'incident a enfin rappelé que la rivalité Québec-Montréal existe, ou plus précisément, la rivalité de Québec à l'égard de Montréal. On peut comprendre que les gens de Québec réagissent mal quand ils ont l'impression que tout se décide à Montréal. Mais dans ce cas-ci, la Ville de Québec a oublié une chose.

Québec a été extrêmement choyée en 2008 à l'occasion du 400e. Des travaux publics majeurs, d'importantes subventions pour l'organisation des Fêtes, dont le Festival d'été a d'ailleurs beaucoup profité par la bande. Les Fêtes ont braqué les projecteurs sur Québec, y ont attiré visiteurs et touristes. C'est évident que cela a affecté Montréal, que cela a bousculé le statu quo. Mais personne ne s'est plaint. Montréal a fêté avec Québec. Il serait maintenant temps que la capitale découvre les vertus de la réciprocité.

adubuc@lapresse.ca