Depuis deux semaines, un débat assez étrange se déroule à l'Assemblée nationale. C'est l'opposition péquiste qui presse le gouvernement libéral à un retour rapide au déficit zéro, ce qui, pour reprendre les imparfaites catégories politiques, place les péquistes à droite des libéraux.

Le critique de l'opposition en matière des Finances, François Legault, a même affirmé que le Québec, pour ne pas frapper un mur, devrait s'attaquer aux vaches sacrées, comme le disaient les lucides. Le monde à l'envers!

Le point de départ de ce débat, c'est l'étude du projet de loi 40 qui suspend l'application de la loi sur le déficit zéro, une grande réalisation du gouvernement Bouchard. Cette loi permet un déficit pour des raisons exceptionnelles, comme une récession, à condition qu'on revienne rapidement à l'équilibre et qu'on le compense en créant des surplus.

On comprend que le gouvernement Charest, étant donné la gravité de la récession, ait voulu l'assouplir. Mais le projet de loi 40 allait beaucoup plus loin, et dans les faits, mettait au rancart la loi sur l'équilibre budgétaire. Tout ce qu'il prévoyait, c'est qu'après les deux années de récession, 2009-2010 et 2010-2011, le ministre devait tout simplement proposer des budgets dont les déficits seraient décroissants, sans obligation de revenir au déficit zéro, sans fixer d'échéancier.

François Legault a vertement critiqué le libellé de ce projet de loi, qui donnait un chèque en blanc au gouvernement. Il avait parfaitement raison. La loi sur le déficit zéro est peut-être symbolique, mais elle constitue un garde-fou dont on a besoin.

Les efforts du critique péquiste ont été à ce point efficaces que le ministre des Finances, Raymond Bachand, a été forcé d'amender son projet, pour préciser qu'après les deux ans de budgets de récession, le gouvernement devrait ramener le déficit à zéro en trois ans. Voilà un signe que les travaux parlementaires peuvent être fructueux.

Mais le dossier n'est pas clos pour autant. M. Legault n'est toujours pas satisfait, estimant que le retour à l'équilibre budgétaire en cinq ans est trop lent, qu'il fallait agir plus rapidement, et prendre les grands moyens. Et là, M. Legault a à la fois tort et raison. Raison sur le fond, tort sur la manière.

Il n'est pas réaliste de croire qu'au sortir d'une récession, dont les effets sur le budget se feront sentir fortement l'an prochain, on puisse éliminer le déficit rapidement. C'est déjà très ambitieux de vouloir le faire en trois ans après la récession, comme le souhaitent les libéraux.

Par contre, M. Legault a bien raison de dire que, pour y arriver, il faudra prendre les grands moyens. Je serais bien mal placé pour le critiquer, puisque celui-ci a repris, en commission parlementaire, la formulation d'une de mes chroniques où je souhaitais «l'ouverture de la chasse aux vaches sacrées». Il s'agit de tout regarder, y compris la tarification, le prix de l'électricité, la façon de voir le système de santé.

Et François Legault a raison d'être pressé. Parce que le gouvernement Charest n'a aucun plan convaincant pour vaincre le déficit. Et comme réformes profondes, nécessaires pour le ramener à zéro, n'auront pas d'effets budgétaires immédiats, c'est maintenant qu'il faut commencer le travail.

En principe, ce ne serait pas une mauvaise chose que l'opposition péquiste, tout comme celle de l'ADQ, pousse sur les libéraux pour les forcer à plus de rigueur budgétaire. Parce que le gouvernement n'aurait pas autant de bâtons dans les roues s'il doit faire des choix impopulaires. Mais hélas, le risque est grand que François Legault ait parlé en son nom personnel et que ses idées ne soient pas celles de son parti.