Les forces fédéralistes ont vivement critiqué la stratégie de la chef du PQ, Pauline Marois, qui, faute de pouvoir faire la souveraineté, veut aller chercher un à un les pouvoirs à Ottawa, y voyant la recette parfaite pour une interminable période de chicanes.

Ce n'est pas faux. Mais il faut analyser ce projet dans son contexte. La signification profonde de cette stratégie péquiste, c'est que le projet souverainiste est à l'agonie. L'idée n'est pas morte, mais elle n'a aucune chance de succès. Les Québécois ne veulent pas de la souveraineté: à peine une personne sur trois, selon le sondage Angus Reid-La Presse de cette semaine. Et ils n'y croient plus: les trois quarts des Québécois pensent que cela n'arrivera pas. Et rien ne permet de croire que cette tendance lourde va s'inverser.

 

Ce à quoi on assiste, ce sont les efforts du Parti québécois pour s'ajuster à cette réalité. Le processus est laborieux parce que les leaders souverainistes doivent mettre de côté le projet qui est leur raison d'être tout en maintenant la cohésion de leurs troupes, en gardant leur pertinence auprès de leur électorat, et en restant fidèle à leurs idéaux.

Ce n'est évidemment pas simple. Mais ce qui est étonnant, c'est la lenteur avec laquelle le PQ prend acte de l'impasse. Face à l'échec du projet souverainiste, le plan A, René Lévesque avait fait le pari d'un plan B, le «beau risque». Son successeur Pierre Marc Johnson a voulu définir un plan C, celui de «l'affirmation nationale». Après un succès éphémère en 1995, l'option a connu une autre crise, à laquelle le premier ministre Lucien Bouchard a répondu avec un plan D pour repousser l'échéance, celui des «conditions gagnantes», suivi du plan E de Bernard Landry, la «certitude morale de l'emporter». Avec ses batailles pour le rapatriement de pouvoirs, Mme Marois nous propose maintenant un plan F.

Le PQ est donc encore entre deux chaises et semble incapable de faire ce qu'ont réussi les socialistes européens, qui modifié radicalement leur projet, tout en conservant leur idéal de justice sociale. Cet exercice, en toute logique, aurait dû mener le PQ vers l'autonomie, une idée qui rallie une majorité de Québécois.

Mme Marois propose certes des revendications de type autonomiste. Mais l'autonomie, ce n'est pas seulement des demandes, c'est un projet, une conception du Québec, de ses besoins, de ses rapports avec le reste du Canada. Comme le PQ ne souhaite pas l'autonomie, il propose donc une série de revendications sans croire à l'idée qui leur donnerait leur cohérence, pour combler le vide, pour créer une dynamique d'affrontement, pour provoquer un braquage canadien qui mobiliserait peut-être les Québécois.

Résultat: la stratégie proposée par Mme Marois a quelque chose de bâtard. C'est une bataille sans sincérité parce que le PQ n'y croit pas, sans logique, parce qu'elle repose sur une liste de demandes plutôt que sur un projet - une liste que nous savons sans fin -, sans crédibilité non plus parce que le PQ n'est pas l'interlocuteur idéal pour transformer un pays qu'il veut quitter.

Est-ce que cette stratégie peut permettre au PQ de marquer des points? Pas si évident, parce que le jupon dépasse trop. Il est clair que les souverainistes essaient ainsi de sauver les meubles. Bien sûr, l'idée de pouvoirs additionnels pourra plaire aux Québécois, foncièrement autonomistes. À condition qu'on leur explique pourquoi, qu'on leur montre en quoi le Québec en sortira gagnant. Cette démonstration, les troupes de Mme Marois auront du mal à la faire, parce que ce qui les intéresse, ce ne sont pas les résultats, mais le processus, pas les gains, mais la bataille. Et ça, les Québécois n'en raffolent pas.