L'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche a certainement fait une victime au Canada, et c'est le premier ministre Stephen Harper pour qui ce changement représente probablement une véritable catastrophe politique.

L'euphorie qui entourait les cérémonies d'inauguration de Barack Obama, aux États-Unis, mais ailleurs dans le monde, notamment au Canada, s'expliquait par son caractère historique et par le vent d'espoir que suscite le nouveau président. Mais elle s'expliquait aussi par le soulagement de voir la fin d'une administration républicaine discréditée et le départ du président George W. Bush.

Le rejet profond de l'administration Bush, notamment au Canada, de son incompétence, de son idéologie, de ses politiques de division ne peut pas ne pas déteindre sur Stephen Harper, le chef de gouvernement du monde industrialisé qui en était le plus proche.

Bien sûr, il est possible que le premier ministre puisse établir une relation cordiale avec le nouveau président, malgré tout ce qui les sépare. Mais ce qui menace M. Harper, ce sont plutôt des problèmes de politique intérieure. Pour éviter de perdre des plumes, le gouvernement conservateur devra réussir à modifier certains pans de ses politiques, pour se distancer de la période Bush et pour se rapprocher de l'administration Obama.

En est-il capable? On peut en douter, parce que M. Harper a des convictions et une rigidité idéologique qui l'empêcheront de faire le nécessaire virage à 180 degrés. Jusqu'ici, les efforts d'ajustement du gouvernement conservateur ont été d'une rare maladresse. On en a déjà eu deux exemples.

D'abord, Guantánamo, un centre de détention décrié, où les présumés terroristes sont soumis à des traitements inhumains et à un processus judiciaire vicié. M. Obama a promis de fermer Guantánamo et a signé hier le décret en ce sens. Le soir même de son inauguration, il a ordonné une suspension des procédures judiciaires en cours contre ses détenus.

Le gouvernement Harper est le seul gouvernement occidental qui n'a pas rapatrié ses ressortissants détenus à Guantánamo et à avoir ainsi fait confiance à l'odieux processus judiciaire odieux par l'administration Bush. Cette complicité est d'autant plus scandaleuse que le détenu canadien, Omar Khadr, a été fait prisonnier à l'âge de 15 ans et doit être considéré comme un enfant-soldat. Mercredi, le ministre de la Défense, Peter McKay, a admis, du bout des lèvres, que le Canada reviserait sa position, pour se faire rapidement contredire par un porte-parole du premier ministre qui a précisé que le Canada allait attendre de voir ce qui se passera aux États-Unis. M. Harper sera donc fidèle jusqu'au bout au douteux héritage de George W. Bush.

Dans le dossier de l'environnement, M. Harper était dans le même camp que M. Bush, pour le rejet de Kyoto, mais surtout avec un même cheminement intellectuel, qui a d'abord consisté à combattre l'idée même des changements climatiques pour finalement se résoudre, à reculons, à intervenir. Il se retrouve maintenant avec un nouveau président qui fait du développement vert l'un des piliers de sa stratégie.

Comment les conservateurs se sont-ils ajustés? En proposant à Washington un «pacte continental» sur l'énergie et les changements climatiques qui consiste en fait à offrir la sécurité énergétique aux Américains avec nos sables bitumineux, pour éviter que les Américains mettent à exécution leur intention de pénaliser cette forme de pétrole en raison de ses impacts sur le réchauffement. Une opération pathétique pour protéger les sables bitumineux au lieu de prendre des moyens pour rendre leur production plus propre.

Les similitudes idéologiques entre George W. Bush et Stephen Harper ont beaucoup nui au premier ministre canadien. Mais avec l'arrivée de Barack Obama, le handicap se transformera en véritable boulet.