Après le départ d'Henri-Paul Rousseau, en mai dernier, Richard Guay a été nommé pdg intérimaire de la Caisse de dépôt. Il a été confirmé formellement à ce poste en septembre, après un processus de recherche du candidat idéal qui semble avoir été cahoteux. Il n'a cependant exercé ses fonctions que deux mois, avant de s'absenter pour des raisons de santé et pour finalement annoncer sa démission cette semaine.

Autrement dit, depuis six mois, la Caisse de dépôt n'a pas eu de direction claire, stable et continue. Et si, comme Québec l'a d'abord annoncé, on se donnait six mois pour trouver un candidat, pour confier en attendant la direction par intérim à un vieux routier de l'institution, la Caisse se retrouverait un an sans véritable chef.

Ça n'avait tout simplement aucun bon sens. La Caisse de dépôt a besoin d'un chef, d'un vrai, le plus rapidement possible, pour exercer un type de leadership, qu'un dirigeant par intérim, aussi talentueux soit-il, ne peut pas fournir.

On a pu respirer quand le gouvernement Charest a précisé que ce délai de six mois était un maximum et qu'on essaierait d'aller plus vite. C'était la moindre des choses. Je ne connais pas beaucoup d'entreprises ou d'organismes qui peuvent bien fonctionner longtemps sans véritable patron. C'est encore plus inconcevable pour une institution comme la Caisse de dépôt, l'une des deux grandes sociétés d'État québécoises, qui s'apprête en outre à traverser l'année peut-être la plus difficile de son existence.

La Caisse a besoin d'un leader, d'abord, pour gérer la crise qui éclatera certainement au moment de la publication de ses résultats. Ils seront mauvais, on s'en doute bien. La Caisse devra faire face à l'opinion publique et au monde politique. Elle devra expliquer sa performance, la situer dans le contexte de la crise financière. Cela prend un porte-parole fort. Il faudra aussi, à l'interne, un leadership solide pour assurer la cohésion d'une équipe qui doit commencer à être démoralisée.

Ensuite, il semble assez évident que la Caisse, comme toutes les grandes caisses de retraite, est à la croisée des chemins. Malmenée par la crise financière et confrontée à un monde financier en changement, la Caisse devra sans doute repenser assez radicalement ses stratégies, ce qui impliquera une réflexion en profondeur sur le risque, le rendement. Ce travail, qui mènera très probablement à un grand virage, ne peut pas se faire sans leadership.

Enfin, et ce n'est pas à négliger, la Caisse a aussi besoin d'un leader fort pour participer aux débats politiques qui la concernent. On a vu, pendant la dernière campagne électorale que, derrière les débats simplistes sur la divulgation des résultats se profilait un débat plus profond sur son rôle dans le développement économique, sur son indépendance face au pouvoir politique. L'ex-pdg, Henri-Paul Rousseau, avait participé activement à la réflexion sur la gouvernance de la Caisse et sa contribution avait largement inspiré les changements de son mandat adoptés par le gouvernement Charest. C'est sans doute une responsabilité qui attend son successeur.

Et c'est peut-être là, comme le notait mon collègue Francis Vaille cette semaine dans La Presse Affaires, que le bât blesse. Le fait que le poste soit si politique effraiera bien des candidats de talent. On les comprend. Il suffit de se rappeler l'expérience de M. Rousseau obligé de parader en commission parlementaire au sujet des PCAA, et de subir stoïquement les questions primaires des députés de l'opposition.

Mais on a aussi besoin de quelqu'un qui puisse résister aux pressions politiques. La campagne électorale a montré à quel point les politiciens ont du mal à réprimer leur désir de contrôler la Caisse de dépôt. C'est surtout vrai de l'opposition péquiste, plus interventionniste. Il fallait voir l'ex-premier ministre Bernard Landry, attiré comme un vautour par la vacance à la direction de la Caisse, rêver d'un retour aux années 60.

Mais les libéraux ne sont pas à l'abri de la tentation. Les rumeurs sur l'intervention du gouvernement pour bloquer la nomination à la direction de la Caisse de Jean-Guy Desjardins, en raison de ses liens avec l'ADQ, sont extrêmement troublantes.

À cet égard, le cas de Henri-Paul Rousseau devrait servir de modèle. Celui-ci a été nommé par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard et a pu poursuivre son mandat sous le gouvernement Charest. Cette nomination non partisane nous a bien servi. Et c'est ce même esprit qui devrait présider, le plus rapidement possible, au choix d'un nouveau pdg de la Caisse.