Quand un parti connaît une défaite politique cinglante et que son chef annonce son départ, il est de bon ton de rendre hommage au politicien malmené. Ce n'est pas ce que j'ai l'intention de faire.

La défaite de l'ADQ aux élections de lundi n'a rien d'honorable. Elle est au contraire l'aboutissement de la trajectoire médiocre que Mario Dumont a imprimée à son parti. Cette défaite est pleinement méritée.

 

Et c'est très dommage. Parce que cet échec de l'ADQ nous prive d'une formation qui pensait en dehors de la boîte. Et dont le projet autonomiste, qui changeait les règles du jeu du débat national, aurait pu permettre au Québec de se sortir de son psychodrame à deux.

Est-il utile de rappeler le caractère cinglant de cette défaite? L'ADQ, un peu par accident, avait recueilli 30,84% des voix et remporté 41 sièges il y a deux ans, un succès tel que le parti était passé à deux doigts de former un gouvernement minoritaire. Mario Dumont avait été assez proche de la victoire pour qu'on le voie comme l'alternative à Jean Charest et que l'on perçoive son stage comme chef de l'opposition officielle comme une étape préparatoire à l'exercice du pouvoir.

Et lundi soir, le carrosse s'est transformé en citrouille. Celui qui aurait pu devenir premier ministre a vu son parti connaître une véritable débâcle, avec 16% des voix, sept sièges à l'Assemblée nationale, relégué au rôle de troisième parti marginal. Et ce n'était pas un accident de parcours.

Qu'est-il arrivé? Mario Dumont a littéralement gaspillé le potentiel dont il disposait. Il n'a pas profité de son statut d'opposition officielle pour se préparer au pouvoir, il n'a pas utilisé les moyens importants dont il disposait pour apprendre, pour se professionnaliser, il n'a pas profité de son importante députation pour bâtir une équipe. Souvenons-nous de ce que le PQ a fait comme jeune parti d'opposition. À l'ADQ, le saut qualitatif n'a pas eu lieu. Par nonchalance? Par paresse intellectuelle? Ou parce que le principe de Peter a joué, et que le chef adéquiste n'avait pas ce qu'il faut pour aller plus loin? Je ne le sais pas.

Mario Dumont est en quelque sorte à la politique ce que Jacques Villeneuve est à la course automobile. Un départ fulgurant, un potentiel énorme, de grands espoirs, mais une trajectoire en forme de courbe descendante.

Le résultat est là. L'ADQ s'est lancée en campagne avec la même superficialité, la même immaturité et le même amateurisme qu'à ses débuts. Mais l'échec de l'ADQ ne tient pas qu'à la forme. Il tient aussi au fond. Avec un score pareil, il est assez évident que les idées qu'il professait ont été clairement rejetées par la population québécoise.

Cette déchéance s'explique en partie par l'évolution du programme et de la pensée de l'ADQ. Dès sa naissance, ce parti était à droite de l'échiquier politique. Mais il apportait un vent de fraîcheur, parce qu'il se préoccupait de choses que négligeait la classe politique, comme la dette et le fardeau fiscal, qu'il se portait clairement à la défense des classes moyennes et de la famille, qu'il manifestait une saine méfiance face à la grosse machine étatique que ses adversaires libéraux et péquistes avaient construite. Il arrivait avec des idées pas toujours bonnes, mais elles étaient nouvelles et elles brassaient la cage.

C'est cette fraîcheur qui est disparue. Parce que l'ADQ n'a pas réussi à mettre de la chair sur ses idées souvent superficielles. Qu'il était trop populiste pour développer une pensée économique cohérente. Et que l'ADQ est restée, en campagne, un parti de clips, dirigé par un franc-tireur aux attaques souvent irresponsables.

Mais surtout parce que la droite antigouvernementale du parti s'est progressivement transformée en droite sociale. Cela a culminé avec le grand débat sur les accommodements raisonnables où Mario Dumont a joué un rôle carrément indigne.

Le résultat, c'est que l'ADQ, qui se définissait comme un parti de changement, a survécu dans des circonscriptions non urbaines aux vieilles traditions unionistes ou créditistes. Il doit ainsi compter sur une base électorale qui incarne la résistance au changement. Triste paradoxe.

Et voilà pourquoi, dans les spéculations sur l'après-Dumont à l'ADQ, il ne faut pas seulement se demander qui pourra dirigera ce parti, mais aussi quel rôle pourra jouer l'ADQ et quelles idées elle défendra.