En ce début de campagne électorale, nos principaux partis politiques, dans leur plan de lutte contre le ralentissement économique, ont tous trois proposé des mesures pour venir en aide aux propriétaires de maisons.

Pourquoi cette sollicitude envers les proprios? Au Québec, ceux qui possèdent des maisons ne sont pas ceux qui risquent le plus de souffrir des conditions économiques. Il y a donc autre chose. On peut hélas soupçonner que cet intérêt pour les propriétaires répond aussi à des considérations politiques: courtiser ceux qui incarnent le mieux les membres des classes moyennes que nos trois partis veulent séduire.

 

Ce soupçon est d'autant plus plausible qu'il n'est pas évident que les programmes proposés par le PQ, le PLQ et l'ADQ puissent avoir les effets escomptés. Les interventions de l'État en temps de crise peuvent avoir deux objectifs: soit relancer l'économie par des dépenses publiques ou des mesures pour stimuler la consommation; soit des mesures pour apporter un soutien à ceux qui sont les victimes de la conjoncture. Il faut ensuite se demander si les actions seront efficaces et atteindront leur cible. Il faut enfin tenir compte des délais de mise en oeuvre. Comment s'en tirent les trois projets?

Commençons par le pire des trois, et le plus coûteux, celui qu'a proposé la semaine dernière le chef adéquiste Mario Dumont. Un plan de 1 milliard, qu'il a qualifié de navire amiral de son intervention économique, dont le gros morceau est un crédit d'impôt de 50% sur les intérêts hypothécaires pour les familles dont le revenu est inférieur à 150 000$, un maximum de 1200$ par an pendant deux ans.

Cette mesure aurait, à grands frais, un effet de relance, en mettant plus d'argent dans les poches des propriétaires. Mais pourquoi privilégier les propriétaires, qui ne sont certainement pas ceux qui sont les plus mal pris? Et comment être certain que ceux-ci dépenseront leur remboursement d'impôt?

Mais le véritable scandale, c'est l'argumentaire utilisé par le chef adéquiste pour justifier sa mesure, un monument d'ignorance et d'impréparation. «Il y a 2500 familles par jour qui perdent leur maison aux États-Unis, note-t-il. L'inaction gouvernementale oriente les ménages québécois dans le même mur. « C'est une affirmation indéfendable. Car justement, cette crise n'existe ni au Canada ni au Québec; pas de bulle immobilière, pas d'abus des institutions prêteuses, pas de surendettement pathologique et pas de familles à la rue. C'est un peu comme si Mario Dumont, après avoir écouté Fox News, avait fait un copier-coller et plaqué au Québec une problématique américaine. Résultat, il promet de l'argent pour les mauvaises personnes et pour les mauvaises raisons.

En comparaison, le programme du Parti québécois est un modèle de retenue. Là aussi un crédit d'impôt pour les moins de 150 000$, 20% du premier 5000$ d'hypothèques jusqu'à 1000$ par année pour deux ans. Ce n'est pas un cadeau, mais un prêt qu'il faudra rembourser lors de la vente de la résidence à même le gain de capital. Comme c'est un prêt, le crédit n'est pas comptabilisé comme une dépense.

La mesure veut stimuler la consommation pour contrer la tendance des gens à la réduire parce qu'ils sont inquiets de la situation économique. L'objectif est louable, mais le programme a deux défauts. D'abord, c'est un prêt. Pourquoi les gens emprunteraient-ils, même si c'est un prêt sans intérêt, pour consommer plus? C'est un incitatif qui ne fonctionnera pas pour des gens qui réduisent leur consommation par prudence plutôt que par manque d'argent. En outre, la paperasse et la mécanique fiscale en rebuteront plusieurs. Tant et si bien que ce programme, s'il voyait le jour, n'aurait sans doute pas beaucoup de clients.

Les libéraux, enfin, proposent plutôt un programme pour pousser les propriétaires à rénover leur maison plus rapidement. On ne connaît aucun détail du programme. En soi, une mesure pour accélérer des dépenses peut être une bonne chose, et la rénovation peut avoir un effet levier. Mais veut-on encore stimuler une industrie de la construction déjà très sollicitée par les travaux d'infrastructure?

Et surtout, il y a un énorme problème de timing. Avec la paperasse et les délais de réalisation, les travaux de rénovation risquent d'arriver trop tard. Car la plupart des prévisions, rappelons-le, s'attendent à un début de lente reprise dans la deuxième moitié de 2009.

Morale de l'histoire. Même dans une période de difficulté économique, une campagne électorale est d'abord et avant tout politique.