C'est de loin le discours le plus « présidentiel » que Donald Trump ait prononcé depuis son accession au pouvoir, le 20 janvier dernier. Il a suivi son texte sans digresser et sans se livrer à des attaques virulentes contre ses présumés ennemis. Il a réussi à garder un ton grave et posé pendant 60 longues minutes. Il a paru concentré et discipliné.

On était loin du petit quart d'heure de son discours inaugural. Loin aussi de la conférence de presse échevelée durant laquelle Donald Trump avait déclaré la guerre aux journalistes.

D'entrée de jeu, on sentait une volonté de corriger le tir, après des débuts plus que chaotiques. Il a fait référence aux droits civiques de la minorité afro-américaine, il a condamné les menaces qui pèsent sur les institutions juives - et ma foi, il était grand temps.

Hier, pour la première fois, Donald Trump est apparu comme un dirigeant, et non plus comme un candidat davantage occupé à dénigrer ses rivaux qu'à expliquer ses projets et à poursuivre ses objectifs. Il était moins belliqueux que ce qu'on a pris l'habitude de voir, il n'a pas trop abusé des termes comme « mess » et « disaster », il a même tendu la main, à quelques reprises, aux élus démocrates. Et je ne crois pas l'avoir entendu dire une seule fois « bad hombres »...

Plusieurs analystes avaient prévenu qu'hier soir, Donald Trump allait se livrer au plus important argument de vente de sa carrière. C'était pour lui l'occasion de tourner la page sur ses débuts catastrophiques. L'occasion aussi de rallier les membres du Congrès, démocrates et républicains, mais aussi le grand public, à ses politiques. L'occasion, enfin, de faire monter sa cote de popularité - avec un taux d'appui de 44 %, Donald Trump est le président américain de loin le plus mal aimé, à cette étape de son règne, de toute l'histoire des sondages aux États-Unis.

L'histoire nous dira s'il a réussi à remporter son pari et si cette performance constituera le tournant de sa présidence. S'il réussira à poursuivre sur ce même ton présidentiel, s'il cessera de gazouiller sur n'importe quoi, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Ce que j'en retiens, pour ma part, c'est que même lorsqu'il est « présidentiel », même lorsqu'il essaie de se montrer positif et rassembleur, eh bien, même là, Donald Trump fait peur.

Pensez-y un peu : pour parler des problèmes de sécurité dont souffre son pays, le président a choisi d'inviter quatre personnes dont un proche a été tué par un étranger en situation illégale aux États-Unis. Des drames terribles qui ont sûrement fait pleurer dans les chaumières, et qui visaient aussi à le montrer sous un jour empathique et compatissant.

Sauf que c'était aussi une manière de montrer du doigt les coupables : la violence, c'est la faute des AUTRES. Les étrangers. Les sans-papiers. Un message irresponsable, lourd de conséquences.

Le fait qu'on accepte aujourd'hui ce genre de choses, que ce genre de démonstration soit devenu presque banal, en dit long sur le chemin parcouru depuis un an...

Léger malaise, aussi, devant les louanges à l'endroit du soldat William Ryan Owens, tué dans une opération militaire bâclée au Yémen, en présence de sa femme Carryn, en pleurs. Cette tentative de récupération de l'un des premiers gros cafouillages du règne Trump, dont les circonstances restent à être élucidées, était pour le moins gênante.

Dans les heures précédant son adresse au Congrès, la Maison-Blanche avait fait savoir que celle-ci dresserait une vision « optimiste » du pays. Cet optimisme résidait surtout dans une phrase. « Il n'y a pas de problèmes que l'on ne puisse régler », a assuré le président, après avoir décrit un pays au bord du gouffre, ravagé par les toxicomanies, la violence et le chômage - à 4,5 %, celui-ci se situe pourtant à son plus bas niveau depuis longtemps.

Comme prévu, Donald Trump a détaillé un peu son programme des prochaines années. Il a même fait allusion au Canada, notamment en évoquant sa future politique d'immigration, qui serait inspirée du système de sélection « au mérite » en vigueur au Canada. Mais les pans les plus sensibles de ses politiques restent confus, et on attend toujours le nouveau décret sur le droit de séjour sur le sol américain.

Pour résumer : c'est un Donald Trump plus solennel, plus « ramassé », plus habile à manier les symboles qu'on a pu entendre hier. Mais son message de fond reste le même.