Il est 20 h 30 et la télé derrière le bar affiche les plus récents résultats des caucus de l'Iowa. Chez les démocrates, Hillary Clinton mène par six points sur l'enfant chéri du Vermont, Bernie Sanders.

«Je ne comprends pas pourquoi elle a cette avance», soupire Rob, partisan du sénateur Sanders venu suivre les caucus à la brasserie Vermont Pub and Brewery, dans le centre-ville de Burlington.

«Hillary a de l'expérience, ça fait des décennies qu'elle défend des idées progressistes», réplique son copain Abram.

Rob n'est pas convaincu. Pour lui, Hillary Clinton est la «marionnette de Wall Street» qui fait le jeu des riches et puissants alors que le sénateur du Vermont, lui, ne cesse de pourfendre les banques et les grandes entreprises.

Une dizaine de clients du pub se sont agglutinés autour de l'écran de télévision pour suivre le coup d'envoi de la longue campagne des primaires américaines. La majorité d'entre eux appuient le bouillant sénateur du Vermont. Seul Abram penche pour l'ancienne secrétaire d'État, qu'il trouve plus compétente en matière de politique étrangère. Plus «présidentielle», en quelque sorte.

Abram prend la peine de préciser qu'il a voté pour celui que les Vermontais appellent par son petit nom, Bernie, à au moins cinq reprises dans le passé. Quand celui-ci s'était présenté à la Chambre des représentants, puis au Sénat. Mais la présidence, pour lui, c'est une autre paire de manches.

«Pourtant, Bernie dénonce les inégalités depuis 40 ans, alors que Hillary n'en parle que depuis deux semaines», proteste Sam, un autre partisan du sénateur Sanders.

Autour du bar, l'âge moyen ne dépasse pas 35 ans. À 74 ans, Bernie Sanders fracasse des records de popularité chez les jeunes partisans démocrates, qui lui donnent leur appui dans une proportion de 78 %. Le plus vieux des candidats cartonne chez les plus jeunes électeurs : comment expliquer ce phénomène ? «Il aborde les sujets qui nous préoccupent, il promet d'abolir les droits de scolarité astronomiques et il est comme un grand-père, son âge témoigne de son expérience et de son savoir», m'avait dit plus tôt dans la journée une étudiante en génétique moléculaire croisée sur le campus de l'Université du Vermont.

Dans le petit groupe venu suivre les caucus au pub de la rue College, la promesse de l'accès gratuit à l'éducation supérieure arrive également en tête de liste des raisons citées pour expliquer la popularité du sénateur du Vermont, suivie par son hostilité à l'endroit de l'establishment financier.

À mesure que la soirée avance, la marge entre Clinton et Sanders rétrécit. De six points, elle passe à deux points, puis à un seul, puis en deçà d'un point... Techniquement, la soirée se termine par une partie quasi nulle. Mais même Abram, qui soutient pourtant Hillary Clinton, juge qu'en réalité, Bernie Sanders peut revendiquer la victoire.

«Ils terminent quasiment à égalité, il y a tout juste un mois, c'était tout simplement inconcevable !»

«Peu importe les résultats de l'Iowa, Bernie Sanders a les moyens de se rendre jusqu'à la convention démocrate», m'a dit John Franco, un ami et ancien collaborateur du «démocrate socialiste», rencontré dans son bureau d'avocat hier après-midi.

Tous ses partisans rappellent que Bernie Sanders a réussi à récolter 80 millions de dollars, dont 20 millions durant le seul mois de janvier, en misant uniquement sur de petits dons personnels. C'est assez pour rester dans la course jusqu'au bout, soulignent-ils.

«La campagne ne fait que commencer et Bernie a de l'argent pour aller jusqu'au bout», renchérissaient ses partisans à la brasserie Vermont Pub and Brewery, hier soir.

Tous attendent la prochaine étape, celle des primaires qui auront lieu la semaine prochaine au New Hampshire, où Bernie Sanders détient une solide avance sur sa rivale (les sondages lui accordent en moyenne 18 points de plus que Hillary Clinton).

Le vrai test, pour lui, se jouera le 27 février, en Caroline-du-Sud, un État moins homogène où le vote des Noirs, qui favorisent massivement Hillary Clinton, pèsera lourd dans la balance.

D'ici là, au Vermont, pour les partisans de Bernie Sanders, le miracle a déjà eu lieu.