La guerre entre Israël et le Hamas aura semé mort et désolation pendant 50 jours. Des trois conflits qui ont embrasé la bande de Gaza depuis 6 ans, l'opération israélienne Bordure protectrice aura été le plus long, le plus dévastateur et le plus meurtrier.

Du côté de Gaza, plus de 2100 personnes ont perdu la vie sous les missiles israéliens - dont 490 enfants. Gaza revient à la vie avec 1800 orphelins et 10 000 blessés sur les bras. Plus de 130 mosquées, 140 écoles et des dizaines d'immeubles résidentiels ont été rasés.

«Les dommages sont au-delà de l'imagination», écrit le journaliste palestinien Mohammed Omar.

Le bilan est beaucoup moins lourd en Israël, avec 70 morts, dont 64 militaires. Mais des milliers d'Israéliens habitant le sud du pays ont dû évacuer leurs maisons pour fuir les roquettes du Hamas. Ils ont payé un lourd tribut psychologique durant ces presque deux mois d'affrontements.

Tout ça pour quoi? Pour revenir, grosso modo, au point de départ. Et ramener les termes de coexistence entre Israël et Gaza à peu près là où ils étaient à l'issue de la guerre précédente, celle de novembre 2012.

Les dirigeants du Hamas doivent être drôlement déconnectés de la réalité pour prétendre avoir «accompli l'impossible» et «triomphé du pouvoir destructeur d'Israël». Quel triomphe? Le cessez-le-feu annoncé mardi prévoit un assouplissement des passages frontaliers vers Israël et l'Égypte - mais on est loin de la levée totale du blocus, ce qui était pourtant le principal objectif du Hamas.

Les questions les plus importantes pour Gaza seront toutes soumises à la négociation, dans un mois. À court terme, il n'y aura ni aéroport ni port de mer. Idem pour la libération de prisonniers palestiniens. Quant aux transferts de fonds internationaux qui permettrait aux autorités de Gaza de payer leurs employés, sans salaire depuis l'an dernier, ils restent aussi gelés qu'ils l'étaient avant le conflit. Selon les termes du cessez-le-feu, le Hamas devra aussi céder le contrôle de ses frontières à l'Autorité palestinienne, dirigée par le Fatah, son rival politique.

La seule victoire du Hamas est d'ordre politique et psychologique. Le mouvement a montré qu'il peut terroriser les Israéliens pendant presque deux mois. Et qu'il est un partenaire incontournable pour négocier un cessez-le-feu.

Pour résumer, le Hamas n'a vraiment pas de quoi bomber le torse. Et il faut vraiment tordre le cou à la réalité pour juger que ces tout petits gains valaient le sacrifice de plus de 2000 vies.

Les dirigeants israéliens essaient également de s'attribuer la victoire à l'issue de cette nouvelle guerre avec Gaza. Mais là aussi, la réalité ne correspond pas à cette vision triomphaliste. Quels bénéfices réels Israël a-t-il bien réalisés en 50 jours de guerre? La bande de Gaza ne sera pas démilitarisée, elle reste contrôlée par le Hamas, la menace des roquettes demeure réelle et les tunnels détruits seront vraisemblablement reconstruits dans les mois ou les années qui viennent. Soit d'ici le prochain affrontement qui, dans l'état actuel des choses, reste inévitable.

Car c'est bien le constat le plus tragique au sortir de ce dernier conflit: à moins d'un changement de cap politique radical de la part d'Israël, cette guerre n'est malheureusement pas la dernière.

«La prochaine explosion n'est qu'une question de temps», écrit le journaliste israélien Avi Issacharoff.

«Sans un effort de paix s'attaquant aux racines de la crise, on ne fait que préparer le terrain pour le prochain cycle de violence», constate le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric.

L'analyse d'Avi Issacharoff est particulièrement percutante. Selon lui, tout en faisant la guerre au Hamas, le gouvernement israélien fait tout pour affaiblir les dirigeants palestiniens modérés, dont le président Mahmoud Abbas, que la droite israélienne accuse de tous les maux de la terre. Pour mettre un terme au cercle vicieux des guerres, il faut au contraire lui tendre la main, ouvrir un véritable dialogue de paix, geler la colonisation juive en Cisjordanie - bref, montrer aux Palestiniens qu'ils peuvent obtenir davantage par le dialogue que par les roquettes.

À défaut de ce virage à 180 degrés, Israéliens et Gazaouis continueront à aller de guerre en guerre. Une confrontation asymétrique dans laquelle, comme l'écrit la journaliste israélienne Amira Hass, l'État hébreu sera toujours supérieur sur le plan militaire, tandis que les Palestiniens le surpassent par leur «immense capacité à souffrir et à encaisser les coups».